Un licenciement pour mésentente avec l’entourage professionnel
Un salarié est licencié pour cause réelle et sérieuse sur le fondement de sa mésentente avec son entourage professionnel.
La lettre de licenciement faisait état de difficultés relationnelles et de communication persistantes causant des dysfonctionnements professionnels dans les échanges et générant un climat de tension permanente au sein des équipes et une aspiration à une indépendance à l’extrême, ainsi qu’une attitude d’opposition voire d’affrontement systématique, des critiques excessives, des remises en cause dévalorisantes, virulentes et/ou provocantes.
Le salarié conteste le bien-fondé de son licenciement en justice et soutient que celui-ci repose sur un motif disciplinaire. Le cas échéant, l’employeur serait alors tenu par la procédure disciplinaire de licenciement et ne pouvait dans ce cas sanctionner deux fois le salarié pour les mêmes reproches. Or, selon le salarié, il avait précédemment fait l’objet d’un avertissement disciplinaire pour les mêmes motifs ; il ne pouvait donc valablement faire l’objet d’un licenciement pour ce même motif de nature disciplinaire.
Quelle nature pour ce licenciement ?
Au vu des termes de la lettre de licenciement, la cour d’appel de Paris a conclu que le licenciement ne reposait pas sur un motif disciplinaire (CA Paris, ch. 6-11, 4 janvier 2022, n° 19/10423).
Dans sa motivation, la cour d’appel a notamment retenu que :
- le cadre réglementaire dans lequel le salarié exerçait ses missions ne justifie en rien son comportement et la forme de sa communication
- il est constant que la mésentente intervenue entre le salarié, ses collègues et/ou sa hiérarchie peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement dès lors qu’elle repose sur des éléments objectifs imputables au salarié et qu’elle a une incidence sur la bonne marche de l’entreprise
- les motifs invoqués dans la lettre de licenciement relèvent indubitablement d’un licenciement pour motif non disciplinaire
- la mise à pied conservatoire ayant précédé le licenciement n’implique nullement et nécessairement que ce dernier présente un caractère disciplinaire
La Cour de cassation (Cass. soc., 12 juin 2024, n° 22-12.416) retient que la cour d’appel, qui a constaté que la lettre de licenciement faisait état de difficultés relationnelles et de communication persistantes causant des dysfonctionnements professionnels dans les échanges et générant un climat de tension permanente au sein des équipes, ainsi qu’une aspiration à une indépendance à l’extrême, en a exactement déduit que le licenciement ne revêtait aucun caractère disciplinaire.
La Cour de cassation approuve donc le raisonnement des juges du fond et confirme que le licenciement repose sur une mésentente non fautive. En conséquence, la procédure disciplinaire de licenciement ne s’appliquait pas.
Que retenir de cette affaire ?
Cette solution n’est pas nouvelle, même si le recours à un tel motif de licenciement non disciplinaire demeure rare en pratique.
La Cour de cassation avait ainsi déjà eu l’occasion de juger que la mésentente entre salariés pouvait constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement si elle repose sur des faits objectifs imputables au salarié (Cass. soc., 27 novembre 2001, n° 99-45.163). Le licenciement ne repose alors pas sur une ou plusieurs fautes du salarié, mais sur la personnalité même de ce dernier. Encore faut-il que l’employeur invoque des faits matériellement vérifiables, au risque de voir le licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 17 janvier 2001, n° 98-44.354).
Il n’en reste pas moins que, pour déterminer le cas échéant si le licenciement relève ou non d’un motif disciplinaire, les juges du fond doivent se rattacher aux faits de l’espèce et aux griefs mentionnés dans la lettre de licenciement afin d’apprécier si les circonstances du licenciement relèvent davantage d’un comportement fautif du salarié ou de sa personnalité.
A titre d’exemple, les faits de mésentente reprochés au salarié ayant eu à plusieurs reprises un comportement agressif ayant entrainé un climat délétère au sein de la société constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement non disciplinaire (Cass. soc., 5 mars 2014, n° 12-27.091). En revanche, a été jugé fautif le refus d’un cadre d’accepter la nouvelle organisation décidée par la direction, cela relevant davantage d’un acte d’insubordination fautif que de la seule personnalité du salarié (Cass. soc., 30 avril 2014, n°13-13.834).
Dans une situation similaire, c’est cette même grille d’analyse que devra appliquer l’employeur, au moment de déterminer le motif, et donc la procédure applicable à la rupture qu’il souhaite mettre en œuvre.
Rappel : distinction motif disciplinaire / non-disciplinaire, pourquoi est-ce important ?
La distinction entre les sanctions ayant un motif disciplinaire et les mesures prenant leur source dans d’autres motifs revêt une importance particulière.
Tout d’abord, car une erreur dans le motif de licenciement rend celui-ci sans cause réelle et sérieuse. C’est le motif de rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement (Cass. soc., 9 mars 2022, n°20-17.005)
Ensuite, la procédure applicable aux sanctions disciplinaires n’est pas transposable pour sa totalité aux autres motifs. Ainsi, le délai maximal de notification des sanctions et les délais de prescription ne relèvent que du domaine disciplinaire. En outre, certaines conventions collectives entourent les procédures disciplinaires de garanties supplémentaires pour le salarié.
Enfin, le règlement des droits du salarié lors de la rupture du contrat de travail peut différer selon la nature du licenciement. Ainsi, dans l’hypothèse d’un licenciement pour faute grave, le salarié est privé d’indemnité de licenciement et de préavis, ce qui n’est pas le cas, en principe, pour un motif non disciplinaire.