Une collection annuelle d'ouvrages dédiée au travail

Sur fond de choc démographique et générationnel, le portrait du “nouveau salarié” se dessine, fruit de dynamiques multiples qui bouleversent la relation de travail. D’abord, un choc générationnel inédit : pour la première fois, quatre générations cohabitent dans l’entreprise. Cette diversité constitue une richesse mais aussi une source de tensions, 72 % des managers déclarant avoir des difficultés avec la génération Z. Le défi est de transformer ces différences en atout collectif, en s’appuyant sur un management capable d’articuler des attentes parfois contradictoires, sans réduire la politique RH à une simple lecture générationnelle.

Autre évolution majeure : la montée en puissance des seniors. En 2030, un quart des salariés aura plus de 55 ans. Leur intégration, la valorisation de leur expérience et la transmission intergénérationnelle deviennent essentielles. L’enjeu est de faciliter leur recrutement et leur parcours plutôt que d’imposer leur maintien contraint.

Parallèlement, le rapport au travail se fait plus individualisé et transactionnel. Les salariés recherchent reconnaissance, autonomie, flexibilité et sens, et n’adhèrent plus automatiquement à une logique de fidélité ou au culte du CDI.

Enfin, la mobilité internationale illustre un paradoxe : les salariés peuvent désormais construire seuls leur projet à l’étranger, tandis que les entreprises en proposent moins, malgré des besoins accrus en compétences et un contexte politique contraignant.

Ces quatre dimensions — diversité générationnelle, rôle des seniors, nouvelles attentes et mobilité — redessinent ensemble le visage du salarié contemporain et obligent les organisations à repenser leurs pratiques.

L’émergence d’une responsabilité élargie place l’entreprise au cœur des grands défis sociétaux et environnementaux.

Les normes en matière de RSE se sont multipliées et durcies : devoir de vigilance, loi Pacte, loi Climat et Résilience, obligations européennes en matière de transparence des rémunérations. Cette pression réglementaire s’accompagne d’une attente croissante des salariés, des consommateurs et des investisseurs, qui exigent des preuves tangibles d’engagement.

La valeur « transparence » s’impose comme un axe central, particulièrement autour de la question salariale et de la réduction des inégalités. Dans ce contexte, la crédibilité dépend de la cohérence entre discours et pratiques.

La santé au travail devient également un enjeu majeur : prévention des risques psychosociaux, attention à la santé mentale, lutte contre les tabous liés au mal-être. Le rôle de l’entreprise ne se limite plus à produire et à générer du profit, mais s’étend à la création de confiance et d’impact positif.

L’engagement environnemental, la diversité, l’inclusion et la gouvernance responsable deviennent autant de leviers d’attractivité et de performance durable mais aussi de pièges ou de contraintes pour les entreprises. L’incarnation de ces valeurs est fondamentale. Le dialogue social et l’implication des parties prenantes sont des conditions indispensables pour transformer les obligations en opportunités et inscrire ces démarches dans la durée. La capacité à démontrer, mesurer et communiquer les résultats devient la clé pour renforcer la légitimité et répondre aux attentes d’un monde où l’entreprise est jugée autant sur sa contribution sociétale que sur ses performances économiques.

L’ampleur des bouleversements technologiques reconfigure les modes de travail, les compétences et les organisations.

Le télétravail illustre cette révolution : plébiscité par de nombreux salariés, il interroge néanmoins la cohésion d’équipe, l’équité dans l’accès aux opportunités et le maintien du lien social.

L’intelligence artificielle, notamment l’IA générative, transforme profondément le fonctionnement des entreprises. Recrutement, évaluation, formation, gestion des carrières : toutes les fonctions RH sont touchées. Selon les projections, près de 40 % des compétences actuelles seront modifiées d’ici 2030. Certains métiers disparaissent ou se réduisent, mais la plupart sont réinventés et augmentés, générant à la fois des gains de productivité et des inquiétudes liées à l’éthique et à la protection des données. Parallèlement, d’autres technologies émergent : réalité virtuelle et augmentée, informatique quantique, Internet des objets, automatisation intelligente. Ces innovations annoncent une nouvelle révolution industrielle qui oblige à repenser l’organisation, la gouvernance et la formation continue. L’enjeu ne se résume pas à introduire de nouveaux outils mais à bâtir une culture de travail hybride et agile, capable d’intégrer l’innovation tout en préservant la confiance. La réussite repose sur la montée en compétences, la sécurisation des parcours et l’anticipation des transitions professionnelles.

L’équilibre entre performance et protection devient essentiel pour éviter une fracture numérique et sociale. Faire de la technologie un levier collectif plutôt qu’un facteur d’exclusion constitue le défi majeur de cette transformation.

Le vieillissement démographique, la baisse de la natalité, la montée du travail indépendant, la remise en cause notre modèle social nécessitent une évolution de notre cadre de pensée (la relation de travail, relation salariée) vers une relation professionnelle.

L’essor des travailleurs indépendants, des plateformes accentue la dilution du cadre classique, rendant les frontières entre autonomie et subordination plus floues. Cela constitue un enjeu pour les entreprises en termes de gestion des talents, mais aussi l’opportunité de créer une force de travail hybride.

La fonction RH doit être le pivot des transformations de l’entreprise, garante de la cohérence entre stratégie et expérience collaborateur. La norme interne peut constituer un laboratoire d’innovation : elle permet d’expérimenter et de sécuriser des dispositifs nouveaux et personnalisés avant leur éventuelle généralisation.

Le modèle social français, longtemps protecteur, se trouve confronté à un choix stratégique : maintenir un système construit pour l’emploi salarié ou inventer un cadre renouvelé, souple et inclusif, qui accompagne toutes les formes d’activité. Cette transformation, bien que contrainte par les évolutions démographiques et économiques, ouvre aussi une opportunité de bâtir une architecture plus résiliente, alignée sur les réalités contemporaines et tournée vers l’avenir.