Rupture

Validité de la rupture conventionnelle

Seuls un vice du consentement, la fraude et le non-respect d’une formalité essentielle affectent la validité d’une rupture conventionnelle.

Concernant le vice du consentement, la rupture conventionnelle doit bien entendu être librement consentie autant par le salarié que par l’employeur.

A ce titre, rappelons que l’article 1130 du Code civil  dispose que « l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature, que sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. » . C’est à celui qui prétend que son consentement à conclure la rupture conventionnelle a été vicié d’en rapporter la preuve.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 instituant la rupture conventionnelle, la majorité des quelques litiges relatifs à l’annulation des ruptures conventionnelles portent sur le consentement vicié des salariés (par ex. Cass. soc., 6 janvier 2021, n°19-18549).

Vice du consentement… de l’employeur

Pourtant, pour la première fois à notre connaissance, un arrêt de la Cour de cassation rendu le 19 juin 2024 (Cass., soc., 19 juin 2024, n° 23-10.817) confirme que l’employeur peut également contester la validité d’une rupture conventionnelle, aux motifs que les circonstances dans lesquelles elle a été signée ont altéré son consentement, qui n’a alors pas pu être libre et éclairé.

S’agissant des conséquences de ce vice du consentement avéré, les juges vont au bout du raisonnement : si la rupture conventionnelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsque sa nullité est imputable à l’employeur, elle s’analyse comme une démission lorsqu’elle est imputable au salarié ayant commis un dol (dissimulation intentionnelle d’information).

En l’espèce, les juges du fond ont considéré que le salarié, qui exerçait les fonctions de responsable commercial, avait vicié le consentement de l’employeur, en dissimulant volontairement son projet de création d’entreprise initié dans le même secteur d’activité, auquel étaient par ailleurs associés deux anciens salariés. Il apparaissait en effet que l’employeur ne s’était déterminé qu’au regard du souhait de reconversion professionnelle dans le management invoqué par le salarié.

La Chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel, ayant déclaré nulle la rupture conventionnelle, et condamné le salarié au paiement de diverses sommes au titre de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle perçue à tort et de l’indemnité compensatrice de préavis non exécuté. Le juge reconnait ainsi que le salarié a vicié la rupture par des manœuvres dolosives en dissimulant une information décisive du consentement de l’employeur.

Quels enseignements tirer de cette jurisprudence ?

  1. L’employeur peut se prévaloir d’un vice du consentement pour obtenir la nullité d’une rupture conventionnelle, à l’instar du salarié ;
  2. Lorsque la nullité de la rupture conventionnelle est imputable au salarié, pour avoir vicié le consentement de l’employeur, elle produit les effets d’une démission ;
  3. Puisqu’elle produit les effets d’une démission, l’ancien salarié est logiquement condamné à rembourser à l’employeur l’équivalent de l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité spécifique de rupture.  

Pour autant, faut-il en conclure qu’il existe une obligation d’information à la charge du salarié sur le projet professionnel qu’il entend poursuivre après son départ de l’entreprise ? La réponse est non, il lui appartient simplement d’engager loyalement la négociation de la rupture en fournissant l’ensemble des informations qui s’avèrent nécessaires à la prise de décision libre et éclairée de l’employeur.

En revanche, si l’employeur conditionne l’acceptation d’une rupture conventionnelle à la confirmation par le salarié qu’il ne part pas rejoindre une société concurrente, le salarié qui viendrait à mentir s’expose à voir annulée sa rupture conventionnelle. Dans ce type d’hypothèse, il peut être opportun, en plus du formulaire CERFA, de conclure une convention de rupture formalisant clairement les conditions dans lesquelles s’inscrit la négociation de cette rupture conventionnelle.