L’entrée et la sortie des périodes saisonnières – été, vendanges, hiver fin de la saison de ski– sont l’occasion de refaire le point sur les règles régissant les CDD saisonniers. Ces derniers sont en effet soumis à une réglementation plutôt stricte qu’il convient de connaître afin de prévenir d’éventuelles difficultés.
Rappel : Qu’est-ce qu’un « contrat saisonnier » ?
Un contrat Ă durĂ©e dĂ©terminĂ©e Ă caractère saisonnier (CDD saisonnier) est un CDD, qui est justifiĂ© par la rĂ©alisation de tâches appelĂ©es Ă se rĂ©pĂ©ter chaque annĂ©e selon une pĂ©riodicitĂ© Ă peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs (tourisme par ex..), et indĂ©pendante de la volontĂ© de l’employeur (C. trav., art. L. 1242-2). Le caractère saisonnier d’un emploi s’apprĂ©cie au regard de l’activitĂ© de l’entreprise employeur et non de celle des entreprises clientes de celle-ci (par exemple, une entreprise de surveillance ne peut conclure de CDD saisonnier pour un emploi de surveillance de salons d’exposition : l’activitĂ© de surveillance, qui est l’activitĂ© de l’entreprise employeur n’est pas une activitĂ© saisonnière. Il importe peu que ses clients, des salons d’expositions, exercent leurs activitĂ©s Ă des pĂ©riodes prĂ©cises de l’annĂ©e : Cass. soc., 18 juin 2002 n° 99-42.003).
1. Le CDD saisonnier peut-il couvrir l’ensemble de la saison ou de la période d’exploitation ?
Ce n’est en principe pas l’objet d’un contrat saisonnier. Il faut en effet rappeler qu’un CDD, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi liĂ© Ă l’activitĂ© normale et permanente de l’entreprise (C. trav., art. L. 1242-1).
Or, lorsque le contrat est conclu pour une période coïncidant avec la durée d’ouverture ou de fonctionnement de l’entreprise, il tend bien à se rapprocher d’un emploi permanent de l’entreprise…
2. Quelles mentions obligatoires dans le contrat ?
Le contrat saisonnier doit être rédigé par écrit et comporter notamment (C. trav., art. L. 1242-12, L. 1242-7) :
- la définition précise de son motif, qui doit caractériser le caractère saisonnier du poste ;
- la date de début et la date de fin (terme certain) ou la mention qu’il prendra fin à l’issue de la saison (terme incertain) ;
- la période d’essai (le cas échéant) ;
- le montant de la rémunération et de ses différentes composantes, etc.
Remarque
Le CDD saisonnier peut ne pas avoir de terme certain, c’est-Ă -dire de date de fin fixĂ©e avec prĂ©cision. Dans ce cas, son terme est la rĂ©alisation de l’objet pour lequel il a Ă©tĂ© conclu, et il doit comporter une durĂ©e minimale.
3. Le CDD saisonnier doit-il ĂŞtre reconduit la saison suivante ?
Les contrats de travail à caractère saisonnier peuvent comporter une clause de reconduction pour la saison suivante.
Des dispositions conventionnelles de branche d’entreprise peuvent ainsi prĂ©voir que tout employeur ayant occupĂ© un salariĂ© dans un emploi Ă caractère saisonnier lui propose, sauf motif rĂ©el et sĂ©rieux, un emploi de mĂŞme nature, pour la mĂŞme saison de l’annĂ©e suivante. Ces dispositions en dĂ©finissent les conditions, notamment la pĂ©riode d’essai, et prĂ©voient dans quel dĂ©lai cette proposition est faite au salariĂ© avant le dĂ©but de la saison, ainsi que le montant minimum de l’indemnitĂ© perçue par le salariĂ© s’il n’a pas reçu de proposition de rĂ©emploi (C. trav., art. L. 1244-2).
A dĂ©faut de dispositions conventionnelles au niveau de la branche ou de l’entreprise, dans les 17 branches oĂą l’emploi saisonnier est particulièrement dĂ©veloppĂ© (liste de ces branches fixĂ©e par arrĂŞtĂ© du 5 mai 2017), tout salariĂ© ayant Ă©tĂ© embauchĂ© en CDD saisonnier dans la mĂŞme entreprise bĂ©nĂ©ficie d’un droit Ă la reconduction de son contrat lorsque (C. trav., art. L. 1244-2- 1 et L. 1244-2-2) :
- il a effectué au moins deux mêmes saisons dans l’entreprise sur deux années consécutives ;
- L’employeur dispose d’un emploi saisonnier à pourvoir compatible avec la qualification du salarié pour la saison à venir.
Exemples de branches visĂ©es par l’arrĂŞtĂ© de 2017 : Espaces des loisirs, d’attractions et culturels (IDCC 1790) ; HĂ´tellerie de plein air (IDCC 1631) ; HĂ´tels, cafĂ©s, restaurants (IDCC 1979) ; RemontĂ©es mĂ©caniques et domaines skiables (IDCC 454)..
Lorsque ces conditions sont remplies, l’employeur informe le salarié, avant le terme du contrat, de son droit à la reconduction, par tout moyen conférant date certaine à cette information (courrier, email, remise contre décharge…). Un motif « dûment fondé » peut toutefois justifier une exception à cette obligation d’information.
En pratique on prévoit généralement l’information sur la reconduction dans le contrat afin de faciliter le respect de cette obligation.
4. Comment décompter l’ancienneté ?
Pour calculer l’anciennetĂ© du salariĂ©, les durĂ©es des CDD saisonniers successifs dans une mĂŞme entreprise sont cumulĂ©es (C. trav., art. L. 1244-2).
A dĂ©faut de dispositions conventionnelles au niveau de la branche ou de l’entreprise, dans les 17 branches oĂą l’emploi saisonnier est particulièrement dĂ©veloppĂ©, les CDD saisonniers dans une mĂŞme entreprise sont considĂ©rĂ©s comme successifs, pour le calcul de l’anciennetĂ©, lorsqu’ils sont conclus sur une ou plusieurs saisons, y compris lorsqu’ils ont Ă©tĂ© interrompus par des pĂ©riodes sans activitĂ© (C. trav., art. L. 1244-2-1)
Ainsi, un salarié saisonnier peut acquérir des droits liés à l’ancienneté (par exemple des primes).
5. Quels points de vigilance ?
Ne pas confondre le CDD saisonnier avec :
- le CDD pour surcroît temporaire d’activité. Contrairement au CDD pour surcroit temporaire, le CDD saisonnier car l’activité se répète chaque année à peu près aux mêmes périodes et est liée à une « saison » identifiée (chaud/froid, tourisme, vendanges, sports d’hiver, etc.). Exemples de secteurs : tourisme, hôtellerie-restauration, agriculture, loisirs, remontées mécaniques, transports saisonniers, etc.
- Le CDD d’usage. Le CDD saisonnier se distingue également du contrat d’usage, celui-ci étant permis dans certains secteurs (spectacle, hôtellerie, restauration, etc.) où il est d’usage de recourir à des contrats de très courte durée pour des besoins temporaires. Ainsi, un CDD d’usage peut couvrir des missions très ponctuelles (ex : extras dans un restaurant) alors que le CDD saisonnier couvre une période saisonnière, avec une logique de répétition annuelle.
Pas de CDD saisonnier pour un emploi relevant de l’activité permanente de l’entreprise
L’emploi qui relève de l’activité permanente de l’entreprise ne peut pas être pourvu par un CDD saisonnier. Ceci n’interdit pas de reprendre le même salarié saisonnier d’une saison sur l’autre.
Exemples
La Cour de cassation a jugĂ©, Ă propos d’un emploi de de secrĂ©taire dans une station de ski, que la salariĂ©e ayant travaillĂ© chaque annĂ©e pendant toute la pĂ©riode d’activitĂ© de l’entreprise, la relation de travail qui s’Ă©tait créée entre les parties Ă©tait d’une durĂ©e globale indĂ©terminĂ©e (Cass. soc., 13 dĂ©cembre 1995, n° 92-42 713).
De mĂŞme, il a Ă©tĂ© jugĂ© que le salariĂ© ayant occupĂ© pendant plus de 20 ans quasiment ininterrompus, Ă des pĂ©riodes correspondant Ă l’ouverture de l’Ă©tablissement au public (un hĂ´tel), un emploi relevant de l’activitĂ© normale et permanente de la structure hĂ´telière (assistant concierge puis voiturier), la relation professionnelle s’Ă©tait transformĂ©e en contrat Ă durĂ©e indĂ©terminĂ©e Ă l’issue du premier contrat Ă durĂ©e dĂ©terminĂ©e. En l’espèce, il importait peu que le salariĂ© ait dĂ©clinĂ© l’offre qui lui Ă©tait faite de conclure un contrat saisonnier Ă 2 reprises sur l’ensemble de la pĂ©riode (Cass. soc., 18 janvier 2018, n° 16-23.836).
A contrario, une salariée pouvait être employée en CDD saisonnier chaque année pendant 16 ans durant la période de mi-juillet à mi-septembre, en qualité de saisonnière pour le conditionnement du maïs doux. La Cour de cassation souligne ici que l’emploi occupé correspondait à des tâches appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes en fonction de la maturité du produit de saison, et que ces tâches confiées à la salariée étaient liées à cet accroissement cyclique (Cass. soc., 26 octobre 2011 n° 09-43.205).
Le CDD conclu par une entreprise de culture de cĂ©rĂ©ales avec un salariĂ© embauchĂ© en qualitĂ© de chauffeur de tracteur pour la rĂ©alisation de travaux de rĂ©colte, de prĂ©paration des sols et des semis, a Ă©galement un caractère saisonnier, dès lors que ces tâches sont liĂ©es Ă l’existence de contraintes naturelles, et sont destinĂ©es ainsi Ă se rĂ©pĂ©ter chaque annĂ©e Ă des dates Ă peu près fixes (Cass. soc. 19 dĂ©cembre 2000, n° 98-45.127).
C’est pareillement Ă juste titre qu’une compagnie de transport fluvial a recouru au CDD saisonnier pour un emploi de capitaine, dès lors que son activitĂ© touristique Ă©tait caractĂ©risĂ©e par un accroissement significatif du nombre de passagers, chaque annĂ©e, Ă des dates Ă peu près fixes, et que les contrats conclus avec le salariĂ© couvraient les trois mois de l’annĂ©e pendant lesquels elle transportait le plus grand nombre de passagers (Cass. soc., 19 septembre 2013 n° 12-18.001).
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