A l’occasion du célèbre arrêt Nikon, la chambre sociale de la Cour de cassation a affirmé que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée et que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances (Cass. soc., 2 oct. 2001, n° 99-42.942).
Utilisation des NTIC : vie professionnelle ou personnelle ?
Au gré des décisions rendues depuis cette affaire, elle précise le régime juridique de l’exercice des libertés liées à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication et au secret des correspondances en entreprise, afin de différencier ce qui se rattache à la vie professionnelle et ce qui relève de la sphère de la vie privée.
En dernier lieu, la Cour de cassation a ainsi confirmé le licenciement pour faute grave d’un salarié qui avait envoyé, à partir de son téléphone portable professionnel, des SMS critiques de la société et dénigrants à l’égard de ses dirigeants, dans le cadre d’échanges avec des salariés en poste, ou ayant quitté la société, concernant les litiges prud’homaux les opposant à celle-ci (Cass. soc., 11 décembre 2024, n° 23-20.716).
On se souvient que la chambre commerciale de la Cour de cassation a déjà jugé que les messages écrits envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels (Cass. com., 10 févr. 2015, n° 13-14.779).
Reprenant cette position, la chambre sociale de la Cour de cassation applique au SMS les solutions déjà adoptées pour les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail, selon lesquelles ils « sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence » (Cass. soc., 18 oct. 2006, n°04-48.025 ; Cass. soc., 17 mai 2005, n°03-40.017 ; Cass. soc., 21 oct. 2009, n° 07-43.877).
Dans cette circonstance, il importe peu, comme le soutenait en vain le salarié, que la diffusion des propos ait été limitée à un cercle restreint de personnes. L’argumentation du salarié s’appuyait sur des décisions rendues par la chambre sociale concernant des propos injurieux tenus par des salariés à l’encontre de leur employeur sur des réseaux sociaux, lesquels avaient été jugés comme relevant de la vie privée du salarié dès lors que leur diffusion était limitée à un cercle restreint de personnes autorisées (Cass. soc., 20 déc. 2017, n° 16-19.609 ; Cass. soc., 12 sept. 2018, n° 16-11.690).
Une stricte séparation
En l’état de la jurisprudence, une séparation stricte est opérée entre :
- D’une part, des messages échangés par un salarié au moyen d’une messagerie professionnelle via un ordinateur, ou des messages SMS échangés via un téléphone portable, lesdits outils ayant été mis à disposition par l’employeur pour les besoins de l’activité, peu important que leur diffusion soit limitée à un cercle restreint de personnes (Cass. soc., 11 décembre 2024, n° 23-20.716).
- D’autre part, des messages échangés par un salarié au moyen d’une messagerie personnelle, le cas échéant installée sur son ordinateur professionnel, lesquels relèvent de la vie privée du salarié et sont couverts par le secret des correspondances (Cass. soc., 25 septembre 2024, n°23-11.860 ; Cass. soc., 23 octobre 2019, n°17-28.448) et ce, sans que l’employeur ne puisse invoquer la méconnaissance de son droit à la preuve (Cass. ass. plén., 22 déc. 2023, n° 21-11.330).
Au regard de ces décisions, il convient donc d’être particulièrement vigilant et attentif quant au moyen utilisé par le salarié pour tenir des propos indélicats, avant d’envisager l’engagement d’une procédure disciplinaire…
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