Rupture

Les faits

Une salariée, exerçant des fonctions commerciales au sein de la société de prêt à porter Petit Bateau, a assisté au mois d’avril 2014 à un défilé de présentation de la future collection printemps-été 2015. Ce défilé était réservé à un public limité de salariés en interne.

Informé par un salarié que la salariée avait publié sur son compte Facebook privé une photographie prise lors du défilé, l’employeur décidait de licencier la salariée pour faute grave, mettant en avant la violation de son obligation contractuelle de confidentialité.

Pour justifier de la faute de la salariée, l’employeur produisait des copies d’écran de la page Facebook litigieuse.

La solution jurisprudentielle

Dans un arrêt du 30 septembre 2020 (Cass. soc., 30 septembre 2020, n°19-12.058 FS.P+B+R+I sur les 1° et 3° branches du premier moyen), la Cour de cassation confirme que le licenciement est valable.

Elle ne retient donc pas l’argument de la salariĂ©e qui soutenait que l’employeur ne pouvait lui reprocher une information qui relevait de sa vie privĂ©e et qui avait Ă©tĂ© obtenue, selon elle, par un procĂ©dĂ© dĂ©loyal. Effectivement, l’information litigieuse provenait du compte Facebook privĂ©, auquel l’employeur avait eu accès de façon indirecte (par un autre salariĂ©, lui-mĂŞme « ami Â» de la salariĂ©e sur le rĂ©seau social).

Le droit à la preuve peut justifier la production en justice d’éléments portant atteinte à la vie privée

La Cour de cassation relève que la production de photographies postĂ©es sur son compte Facebook privĂ© constitue une atteinte Ă  la vie privĂ©e de la salariĂ©e. Mais, elle admet que le droit Ă  la preuve puisse justifier la production en justice d’élĂ©ments portant atteinte Ă  la vie privĂ©e, Ă  la double condition :

  • que cette production soit indispensable Ă  l’exercice de ce droit ;
  • et que l’atteinte soit proportionnĂ©e au but poursuivi.

En l’espèce, le but Ă©tait « la dĂ©fense de l’intĂ©rĂŞt lĂ©gitime de l’employeur Ă  la confidentialitĂ© de ses affaires Â». Il n’échappera Ă  personne que des donnĂ©es relatives Ă  une collection future, non encore rendues publiques, sont des informations stratĂ©giques et sensibles pour l’entreprise. C’est ce qui justifie prĂ©cisĂ©ment l’existence de clauses contractuelles de confidentialitĂ© (que la salariĂ©e avait signĂ© dans l’affaire jugĂ©e).

Quelques points de repère

Les publications figurant sur le compte Facebook privé d’un salarié, même si elles relèvent de sa vie privée, peuvent faire l’objet de reproches par l’employeur et même justifier un licenciement pour faute grave. La solution, prononcée à propos du réseau Facebook, sera la même quel que soit le réseau social.

La Cour de cassation confirme qu’il n’existe pas une étanchéité absolue entre la vie du salarié sur les réseaux sociaux et sa vie professionnelle. L’employeur peut se prévaloir d’informations postées sur les réseaux sociaux pour sanctionner son salarié.

Toutefois, la Cour de cassation rappelle la méthode utilisée pour recueillir la preuve des faits constatés sur les réseaux sociaux est essentielle. Ainsi, l’employeur ne doit pas avoir recueilli la preuve par stratagème.

Dans l’affaire en question, les magistrats relèvent que, si les photographies litigieuses avaient effectivement Ă©tĂ© publiĂ©es sur un compte Facebook privĂ©, elles avaient Ă©tĂ© spontanĂ©ment communiquĂ©es Ă  l’employeur par un courriel d’un autre salariĂ© de l’entreprise qui avait le statut d’« ami Â» et avait donc accès Ă  ce compte privĂ© Facebook. L’employeur n’était pas davantage critiquable Ă  avoir fait procĂ©der Ă  un constat d’huissier : il s’agissait de contrecarrer la contestation de la salariĂ©e quant Ă  l’identitĂ© du titulaire du compte ; et, par ailleurs, cela permet de prĂ©server la preuve dans le temps, le contenu sur les rĂ©seaux sociaux Ă©tant volatile…

Il n’y avait donc aucun stratagème : ce procĂ©dĂ© d’obtention de preuve n’est pas considĂ©rĂ© comme Ă©tant dĂ©loyal.

Il est donc essentiel de vĂ©rifier comment la preuve est collectĂ©e avant de prononcer une sanction sur la base des faits constatĂ©s, afin de s’assurer que le procĂ©dĂ© ne puisse ĂŞtre qualifiĂ© de « stratagème Â».

Ainsi, par exemple :

  • l’employeur ne peut pas utiliser le compte Facebook d’un « ami Â», Ă  son insu, pour aller espionner le compte privĂ© d’un de ses salariĂ©s ;
  • de la mĂŞme façon, l’employeur ne peut pas travestir son identitĂ© pour obtenir le statut d’ « ami Â» sur le compte privĂ© Facebook.