Par un arrêt rendu le 6 juin 2018, le Conseil d’Etat a admis que les employeurs, dès lors qu’ils sont lésés de manière suffisamment directe et certaine par un certificat ou une attestation établie par un médecin du travail, peuvent introduire une plainte disciplinaire à l’encontre d’un médecin (CE, 6 juin 2018, n°405453).

Certificat faisant le lien entre l’état de santé du salarié et ses conditions de travail : conditions posées par le Conseil d’Etat en 2018

Rappelant ensuite les dispositions de l’article R. 4127-28 du Code de santé publique selon lequel « la délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite », le Conseil d’Etat avait, dans cette affaire, considéré que le médecin ne saurait établir un lien entre l’état de santé d’un salarié et ses conditions de travail qu’en considération de constats personnellement opérés par lui, tant sur la personne du salarié que sur son milieu de travail. Or, en l’espèce, le médecin avait, entre autres, reproché à l’employeur « des pratiques maltraitantes » sans faire état de faits qu’il aurait pu lui-même constater. Le Conseil d’Etat avait ainsi confirmé la décision de sanction disciplinaire (avertissement) prise par la chambre disciplinaire de l’ordre des médecins.

La Haute Autorité de la Santé indique d’ailleurs, dans ses recommandations de bonnes pratiques professionnelles, que pour le repérage du burn-out « dans l’intérêt du patient et avec son accord, il est indispensable qu’un échange ait lieu entre le médecin traitant et le médecin du travail » (Repérage et prise en charge cliniques du syndrome d’épuisement professionnel ou burnout, Recommandation de bonne pratique, HAS, 22 mai 2017).

Tout semblait donc conduire le médecin traitant à ne faire mention du syndrome d’épuisement professionnel qu’après avoir pu, notamment, échanger avec le Médecin du travail quant aux conditions de travail, et sans se contenter des seules déclarations du salarié.

Des conditions  modifiées par L’arrêt du 28 mai 2024 ?

Mais dans un récent arrêt rendu le 28 mai 2024, le Conseil d’état durcit son analyse en considérant que la seule référence à un burn-out n’est pas nécessairement de complaisance… Dans cette affaire, le salarié concerné se voit remettre par son médecin traitant un arrêt de travail portant la mention, sur le formulaire CERFA, sans autre précision, d’un « burn-out ». Il n’est pas contesté que le Médecin a rempli ce formulaire sur la base des seules déclarations du salarié. Et pourtant, le Conseil d’état annule la sanction disciplinaire (avertissement) notifiée par l’ordre des médecins en prenant soin de préciser que « la seule circonstance que le médecin ait fait état de ce qu’il avait constaté l’existence d’un syndrome d’épuisement professionnel sans disposer de l’analyse des conditions de travail du salarié émanant notamment du médecin du travail ne saurait caractériser l’établissement d’un certificat tendancieux ou de complaisance au sens des dispositions de l’article R. 4127-28 du code de la santé publique ».

Que retenir de cette décision ?

On peut souligner l’observation suivante contenue dans les conclusions du rapporteur public : « Compte tenu de la sensibilité du sujet et du risque qu’un tel document soit utilisé un jour dans un conflit entre employeur et salarié, un document à la fois plus détaillé et plus prudent, faisant part du constat d’un syndrome d’épuisement et de ce que les dires du salarié le relient à son activité professionnelle, aurait à cet égard sans doute été plus approprié. »

Il faut espérer que ce message de prudence soit bien entendu par les médecins d’une part, et d’autre part, il faut retenir que la décision rendue ne remet pas en cause une règle essentielle : il ne revient pas au médecin de confirmer l’existence d’un lien entre la pathologie constatée et les conditions de travail. Il lui revient, en application des dispositions de l’article L.162-4-1 du code de la sécurité sociale, de mentionner sur la prescription d’arrêt de travail donnant lieu à versement des indemnités journalières les éléments d’ordre médical justifiant l’interruption de travail.

C’est bien, en l’espèce, dans ce cadre que le médecin a rempli le formulaire CERFA transmis au service du contrôle médical.

Il va revenir à la Chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, vers qui l’affaire est renvoyée, d’identifier le cas échéant un autre fondement si elle entend maintenir sa décision de sanctionner le médecin en cause. Affaire à suivre, peut-être….