L’instauration d’une présomption légale de respect de l’obligation de reclassement par l’employeur

Depuis 2016, l’obligation de reclassement est réputée satisfaite dès lors que l’employeur a proposé « un emploi » remplissant les conditions suivantes (C. trav., art. L. 1226-2-1 créé par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 ; art. L. 1226-12 modifié par ladite loi) :

Cette évolution légale a naturellement conduit les entreprises à invoquer le bénéfice de cette présomption au stade du contentieux.

Jusqu’alors, le juge exigeait en effet que l’employeur démontre, notamment par la production de son registre unique du personnel, que les postes proposés au salarié à titre de reclassement correspondaient à l’intégralité des postes disponibles et compatibles avec la situation du salarié. Cette preuve était particulièrement difficile pour les entreprises, et plus particulièrement pour celles qui étaient implantées sur de nombreux sites et/ou qui appartenaient à un groupe de taille significative.

Sur la base des nouvelles dispositions légales, des employeurs ont donc soutenu que, dès lors qu’ils avaient proposé au moins un poste de reclassement au salarié, et que ce poste était approprié aux capacités du salarié, leur obligation de reclassement était nécessairement respectée.

L’application par la Cour de cassation : l’ajout de l’obligation de loyauté

Dans un arrêt rendu en 2022 (Cass. soc., 22 janvier, n°20-20.369), la Cour de cassation a estimé qu’au-delà de son obligation de reclassement, l’employeur a une obligation de loyauté dans les propositions qu’il adresse au salarié.

Ainsi, elle a décidé que même si les conditions légales sont réunies, la présomption de respect de l’obligation de reclassement ne peut jouer que si l’employeur exécute loyalement son obligation.

Dans l’espèce qui lui était ainsi soumise, la Haute juridiction a ainsi confirmé le caractère déloyal d’une proposition de trois postes, postes n’ayant pas été directement recommandés par le médecin du travail, alors qu’un poste disponible et strictement conforme aux préconisations médicales n’avait lui pas été proposé.

La présomption légale voyait donc sa portée amoindrie, et l’on pouvait craindre que la Cour de cassation, aille plus loin encore dans le cadre de cette obligation de loyauté, en exigeant de l’employeur de justifier du résultat exhaustif de ses recherches de reclassement.

Une charge de la preuve qui repose sur le salarié !

Dans un arrêt rendu le 4 septembre dernier (Cass. soc., 4 septembre 2024, n°22-24.005), la Cour de cassation précise fort heureusement que la charge de la preuve de l’éventuelle déloyauté de l’employeur pèse sur le salarié.

En l’espèce, une entreprise avait proposé 9 postes de reclassement au salarié déclaré inapte, mais tous ces postes étaient éloignés de son domicile et le salarié soutenait que l’entreprise avait volontairement omis de lui proposer des postes disponibles situés dans sa région. En cause d’appel, la Cour avait jugé abusif le licenciement du salarié au motif que l’entreprise ne produisait pas le registre unique du personnel de ses établissements pour démontrer qu’aucun poste approprié n’était à pourvoir à proximité du domicile du salarié.

En réponse, la Cour de cassation redonne, sa juste portée à la présomption légale !

Elle retient en effet que le caractère loyal de la recherche de reclassement n’est pas un préalable à l’application de la présomption légale, et que c’est au salarié qu’il appartient de prouver toute déloyauté dans les propositions faites, en démontrant qu’il existait un autre poste plus adapté ou plus proche que l’employeur n’aurait pas pris en considération dans le cadre de ses recherches.

La vigilance reste certes de mise pour les entreprises, qui doivent bien entendu mener des recherches de reclassement sérieuses et les plus exhaustives possible, mais cette décision consacre enfin une administration de la preuve équilibrée entre l’employeur et le salarié.

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