Conditions de travail

C’est un fait : dans nombre d’entreprises qui ne connaissent pas de pĂ©riodes de fermeture, la prise des congĂ©s payĂ©s est largement – voire totalement – laissĂ©e Ă  l’initiative des collaborateurs, qui dĂ©finissent eux-mĂŞmes les dates prĂ©visionnelles de leur dĂ©part. La validation de ces souhaits, lorsqu’elle est formalisĂ©e, est presque systĂ©matique et les quelques retouches ou reports que l’on peut constater sont le plus souvent motivĂ©s par la volontĂ© d’éviter un trop grand nombre d’absences simultanĂ©es. En sens inverse, il serait sans doute difficilement admis que l’employeur mène le processus de manière unilatĂ©rale, en dĂ©finissant lui-mĂŞme et en imposant les dates de dĂ©part des collaborateurs.

Sans remettre en cause le principe d’une certaine souplesse, ni celui de la prise en compte des souhaits des salariés, il n’est pas inutile de rappeler que le mode opératoire défini par la loi donne à l’employeur un large pouvoir décisionnel, et qu’il intègre des sanctions (pénales notamment) lorsque ces prérogatives ne sont pas mises en œuvre.

Fixer la période de prise des congés

Ainsi, s’agissant tout d’abord de la fixation de la pĂ©riode de prise des congĂ©s, qui doit au moins comprendre la pĂ©riode du 1er mai au 31 octobre de chaque annĂ©e, deux situations peuvent ĂŞtre rencontrĂ©es : soit cette pĂ©riode est dĂ©finie par accord d’entreprise ou accord de branche, soit elle doit ĂŞtre dĂ©finie par l’employeur après consultation du CSE. La mĂ©connaissance de cette obligation consultative est sanctionnĂ©e d’une amende pouvant atteindre 1.500 € (7.500 € pour les personnes morales) prononcĂ©e autant de fois qu’il y a de salariĂ©s concernĂ©s par l’infraction

Rappelons par ailleurs que la pĂ©riode de prise des congĂ©s payĂ©s doit ĂŞtre portĂ©e Ă  la connaissance des salariĂ©s (par affichage, insertion sur l’intranet…) au moins deux mois avant son ouverture, soit le 1er mars au plus tard si elle dĂ©bute le 1er mai. Cela conduit donc Ă  devoir organiser la consultation du CSE, lorsqu’elle est nĂ©cessaire, au cours du mois de fĂ©vrier : pour l’étĂ© 2024, il est donc dĂ©jĂ  trop tard si rien n’a encore Ă©tĂ© fait.

Déterminer l’ordre des départs

S’agissant de l’ordre des dĂ©parts en congĂ©s, c’est-Ă -dire de la dĂ©termination individuelle des dates de dĂ©part, deux situations peuvent encore ĂŞtre rencontrĂ©es :

  • Si les critères permettant de fixer l’ordre des dĂ©parts sont dĂ©finis par voie d’accord collectif, d’entreprise ou de branche, il faudra en faire application. A titre d’illustration, on peut ici Ă©voquer l’article 85 de la convention de la MĂ©tallurgie, retenant que « l’ordre des dĂ©parts est fixĂ© par l’employeur en tenant compte de tout ou partie des critères suivants :
    • l’activitĂ© du salariĂ© chez un ou plusieurs autres employeurs ;
    • la situation de famille ;
    • la date de prĂ©sentation de la demande de congĂ© ;
    • l’anciennetĂ© dans l’entreprise. Â»
  • S’il n’existe aucun dispositif conventionnel Ă©tablissant les critères permettant de fixer l’ordre des dĂ©parts, ceux-ci seront dĂ©finis par l’employeur après avis du CSE, en tenant compte de la situation de famille des bĂ©nĂ©ficiaires (en rappelant que les salariĂ©s pacsĂ©s ou mariĂ©s, travaillant dans la mĂŞme entreprise, ont droit Ă  un congĂ© simultanĂ©), de la durĂ©e de leurs services chez l’employeur et de leur activitĂ© chez un ou plusieurs autres employeurs.

Sur ce volet encore, l’absence de consultation du CSE est passible des sanctions pénales évoquées ci-dessus.

Lorsque l’ordre des départs est fixé, il est communiqué à chaque salarié au moins un mois avant son départ.

Une fois de plus, on soulignera la nĂ©cessitĂ© d’anticiper : si le premier dĂ©part intervient dès le dĂ©but de la pĂ©riode des congĂ©s payĂ©s (c’est Ă  dire le 1er mai), l’intĂ©ressĂ© devra en avoir Ă©tĂ© informĂ© le 1er avril au plus tard. Par consĂ©quent, si elle est nĂ©cessaire, la consultation du CSE sur l’ordre des dĂ©parts devra ĂŞtre rĂ©alisĂ©e courant mars au plus tard.

Plus encore, si l’on veut tenir compte des souhaits des salariés dans la fixation des dates de départ, c’est en amont qu’il faudra les recueillir, et donc dès le mois de février, en prévision de la période estivale future.

S’agissant enfin de la modification de l’ordre et des dates de départ, celle-ci ne peut intervenir que dans le respect d’un délai de prévenance défini par accord collectif d’entreprise ou de branche ou, à défaut, au moins un mois avant la date prévue du départ, sauf circonstances exceptionnelles qui sont appréciées de manière restrictive.

Quels points de vigilance ?

A la lumière de ces principes, il n’est naturellement pas question de prĂ©tendre qu’une gestion des congĂ©s payĂ©s menĂ©e de manière totalement unilatĂ©rale par l’employeur serait prĂ©fĂ©rable. Toutefois, la prise en compte des souhaits exprimĂ©s par les salariĂ©s, ou bien le tĂ©moignage d’une grande souplesse dans les dĂ©lais de prĂ©venance ou dans la fixation des dates de dĂ©part ne constituent pas des causes exonĂ©ratoires de la responsabilitĂ© pĂ©nale, qui est particulièrement large en matière de congĂ©s payĂ©s. Ainsi, toute mĂ©connaissance des dispositions des articles L. 3141-1 Ă  L. 3141-33 du code du travail, et des dispositions règlementaires prises pour leur application, est passible des sanctions pĂ©nales Ă©voquĂ©es prĂ©cĂ©demment, appliquĂ©es autant de fois qu’il y a de salariĂ©s concernĂ©s par l’infraction. Et, s’agissant par exemple d’une information tardive de la pĂ©riode des congĂ©s payĂ©s, c’est la totalitĂ© de l’effectif de l’entreprise qui sera concernĂ© par l’infraction. Ce n’est pas nĂ©gligeable.

Il faut donc nécessairement chercher à conjuguer une forme d’adéquation aux souhaits exprimés par les collaborateurs avec les exigences légales, et cette démarche passe nécessairement par une plus grande anticipation que celle qui est régulièrement constatée dans les entreprises.

Ajoutons enfin que les règles matĂ©rialisant des obligations pour l’employeur constituent autant de droits pour les salariĂ©s : le droit de connaĂ®tre au moins deux mois Ă  l’avance la pĂ©riode des congĂ©s payĂ©s, le droit de connaĂ®tre la date de son dĂ©part au moins un mois Ă  l’avance, le droit de savoir – au travers de la consultation du CSE – sur la base de quels principes l’ordre individuel des dĂ©parts a Ă©tĂ© Ă©tabli… Par consĂ©quent, un risque civil, dont la probabilitĂ© de rĂ©alisation est sans doute plus Ă©levĂ©e, s’ajoute au risque pĂ©nal, puisque tout salariĂ© dont le dĂ©part en congĂ©s ne serait pas traitĂ© dans le respect de ses droits peut prĂ©tendre en subir un prĂ©judice, dont il peut solliciter rĂ©paration. Vient s’y ajouter la possibilitĂ© de refuser lĂ©gitimement un dĂ©part en congĂ©s qui ne serait pas organisĂ© en conformitĂ© avec la loi, sans que le salariĂ© ne puisse alors ĂŞtre considĂ©rĂ© comme fautif.

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