Grève

Le mois de mars s’annonce comme une période qui sera marquée par les arrêts de travail liés à la contestation du projet de réforme des retraites actuellement en discussion au parlement.

Les principales organisations syndicales, tous secteurs confondus, appellent à la grève le 7 mars avec la promesse d’un blocage du pays le jour dit et certaines d’entre elles, annoncent un mouvement qui pourrait s’inscrire dans la durée en évoquant une grève reconductible.

L’objectif fixé est celui de paralyser l’activité de façon générale et tout particulièrement dans le secteur des transports, de l’éducation, des énergies et peut-être de la collecte des déchets…

Dans les entreprises, et au-delà de ces seuls secteurs d’activité, ces mots d’ordre sont et seront relayés par les représentants de ces organisations, délégués syndicaux et représentants de section syndicale, mais également par certains élus du personnel.

Ce faisant, et quel que soit leur mandat, ceux-ci sont dans leur rôle.

Mais il est également possible qu’un salarié dit « ordinaire », c’est-à-dire non-détenteur d’un mandat syndical ou de représentation du personnel, militant ou non, relaie indirectement ce même mot d’ordre en incitant les autres membres du personnel à se joindre au mouvement et à cesser le travail lors des journées d’action qui auront été décidées sur le plan national.

Quelle attitude adopter à son égard ?

Répondre à un mot d’ordre national : exercice régulier du droit de grève ?

Précisons tout d’abord que le fait de participer à un mouvement motivé par des revendications sur lesquelles l’employeur n’a aucun pouvoir décisionnaire et donc aucune capacité à les satisfaire, ne déqualifie pas la grève qui reste licite, comme l’a rappelé la Cour de cassation par un arrêt du 23 octobre 2007.

Plus précisément sur la question d’un projet de loi portant sur les retraites, la Cour de cassation a clairement indiqué en 2006 que la cessation du travail afin de soutenir un mot d’ordre national pour la défense des retraites, qui constitue une revendication à caractère professionnel, relève bien de l’exercice du droit de grève.

Que faire face à un salarié qui incite ses collègues à rejoindre le mouvement ?

On le sait, l’article L. 2511-1 du code du travail accorde une protection contre le licenciement aux salariés grévistes en disposant que « l’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié » et précise que « tout licenciement prononcé en l’absence de faute lourde est nul de plein droit ».

Aucune disposition ne concerne les salariés appelant à participer à un conflit collectif interne à l’entreprise ou à rejoindre un mouvement national.

Pas de difficulté bien sûr pour un salarié titulaire d’un mandat. Au-delà du fait qu’un représentant syndical ou un représentant du personnel ne pourrait se voir reprocher une position qui relève plus ou moins directement de sa mission selon son mandat, ces derniers bénéficient d’une protection qui les placent à l’abri de toute mesure de licenciement.

A contrario, et en l’absence de texte spécifique, peut-on considérer que le fait pour un salarié ordinaire d’inciter les autres salariés à participer à une grève constitue une faute disciplinaire justifiant un licenciement ?

Par un premier arrêt du 5 juillet 2018, la Cour de cassation avait déjà répondu par la négative en cassant la décision d’une cour d’appel qui avait refusé d’annuler les licenciements de salariés ayant demandé à leurs collègues de se mettre en grève.

Par cette décision, la Cour de cassation appliquait donc la protection liée à l’exercice de la grève, à des salariés ayant incité d’autres salariés à déclencher une grève qui n’avait finalement pas eu lieu, et qui était envisagée en soutient à un mouvement concernant un autre établissement de l’entreprise.

En jugeant que la nullité du licenciement n’est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève, mais qu’il s’étend à tout licenciement prononcé à raison d’un fait commis au cours de la grève et qui ne relèverait pas de la faute lourde, la Cour de cassation retenait une application particulièrement extensive de l’article L. 2511-1.

Par une décision du 23 novembre 2022, la Cour de cassation vient de confirmer et de préciser sa position en appliquant la même solution dans une situation où un salarié s’était vu licencié pour avoir incité les membres de son équipe à participer à une grève qui n’avait finalement pas eu lieu.

Là encore, et malgré l’absence de toute grève, la Cour de cassation a considéré que les faits reprochés au salarié avaient été commis à l’occasion de l’exercice du droit de grève, ce qui entrainait donc sa nullité en l’absence de faute lourde pouvant être imputée au salarié.

La réponse de la Cour de cassation est particulièrement claire : un salarié, même non titulaire d’un mandat, peut donc parfaitement appeler à un mouvement régulier de grève et donc a fortiori relayer un mot d’ordre national en incitant ses collègues à rejoindre le mouvement, sans qu’aucune sanction ne puisse être prise à son égard.