La loi « portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi », définitivement adoptée par le Parlement le 17 novembre, puis jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnnel le 15 décembre, est publiée au JO de ce 22 décembre.
Pour rappel, voici les principales mesures de ce texte :
Refus de CDI privant le salarié de droit à l’allocation d’assurance chômage
Proposition de CDI à l’issue d’un CDD
Lorsque l’employeur propose que la relation contractuelle de travail se poursuive après l’échéance du terme d’un CDD (ou l’entreprise utilisatrice à l’issue d’une mission de travail temporaire) sous la forme d’un CDI :
- pour occuper le même emploi, ou un emploi similaire,
- assorti d’une rémunération au moins équivalente
- pour une durée de travail équivalente,
- relevant de la même classification
- et sans changement du lieu de travail,
il notifie cette proposition par écrit au salarié.
Conséquences en cas de refus
En cas de refus du salarié, l’employeur en informe Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé (C. trav., art. L. 1243-11-1). S’il est constaté qu’un demandeur d’emploi a refusé à deux reprises, au cours des 12 mois précédents, une proposition de CDI dans ces conditions, le bénéfice de l’allocation d’assurance chômage ne peut lui être ouvert que s’il a été employé dans le cadre d’un CDI au cours de la même période.
Ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque la dernière proposition adressée au demandeur d’emploi n’est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d’accès à l’emploi si celui-ci a été élaboré antérieurement à la date du dernier refus pris en compte (C. trav., art. L. 5422-1).
Autres dispositions relatives à l’assurance chômage (actualité vie-publique)
Les règles actuelles de l’assurance-chômage issues de la réforme de 2019, dont l’application a été retardée en particulier par la crise sanitaire, ont pris fin le 1er novembre 2022. Le texte autorise le gouvernement à les prolonger jusqu’au 31 décembre 2023 et à édicter une nouvelle réforme de l’assurance chômage pour faire varier les règles d’indemnisation avec la situation du marché du travail.
Le 21 novembre 2022, le ministre du travail a présenté aux partenaires sociaux et à la presse cette future réforme, destinée à répondre aux importantes pénuries de main-d’oeuvre que connaissent plusieurs secteurs. Le nouveau régime annoncé, qui sera intégré dans un décret et applicable du 1er février au 31 décembre 2023, prévoit une baisse de 25% de la durée maximum d’indemnisation lorsque le taux de chômage est en-dessous de 9% ou qu’il ne varie pas de +0,8 point en un trimestre. Deux mécanismes de protection sont prévus : un minimum de 6 mois d’indemnisation garanti et un complément de fin de droits si l’état du marché du travail s’est détérioré. Seront exclus de ce nouveau régime : les intermittents du spectacle, les dockers, les marins-pêcheurs, les demandeurs d’emploi en contrat de sécurisation professionnelle, les expatriés et les territoires d’outre-mer. Début 2024, de nouvelles règles devraient s’appliquer à l’issue de la négociation entre les partenaires sociaux sur la gouvernance de l’assurance chômage, comme l’a acté un amendement du Sénat au projet de loi. Ces nouvelles règles devraient également prendre en compte la conjoncture économique.
Le texte autorise également le gouvernement à prolonger jusqu’au 31 août 2024 le bonus-malus sur les cotisations chômage applicable aux entreprises de sept secteurs les plus utilisateurs de contrats courts.
Abandon de poste valant démission
Nouvelle présomption de démission
Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur (qui ne peut être inférieur à un minimum qui sera fixé par décret), est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai.
Contestation
Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes. L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine (C. trav., art. L. 1237-1-1).
Remarque : les auteurs de l’amendement n°388 ayant introduit cette mesure soulignent que « cette disposition ne s’appliquerait pas aux salariés qui quittent leur poste pour des raisons de santé ou sécurité conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation sur les abandons de poste. ».
CDD « multi-remplacements »
Création par la loi Avenir
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel (L. n° 2018-771) avait prévu la possibilité, à titre expérimental, sur la période du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020, de conclure un seul CDD pour remplacer plusieurs salariés dans des secteurs qui devaient être définis par décret. Il pouvait s’agir du remplacement simultané de plusieurs salariés à temps partiel ou du remplacement successif de plusieurs salariés à temps plein ou partiel.
Le décret définissant les secteurs concernés n’ayant été publié que fin 2019 (décret n°2019-1388 du 18 décembre 2019), une prolongation de l’expérimentation avait été annoncée, mais n’était jusqu’à présent jamais intervenue. Elle a donc pris fin le 31 décembre 2020.
Relance de l’expérimentation
Le texte de la loi prévoit donc de « relancer » l’expérimentation, dans les mêmes termes qu’en 2018 :
- Dans les secteurs définis par décret, un seul contrat à durée déterminée (ou un seul contrat de mission) peut être conclu pour remplacer plusieurs salariés ;
- L’expérimentation ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Pour mémoire, les secteurs d’activité définis par le décret de 2019 étaient : le sanitaire, social et médico-social, la propreté et nettoyage, l’économie sociale et solidaire, le tourisme en zone de montagne, le commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, la plasturgie, la restauration collective, le sport et équipements de loisirs, le transport routier et activités auxiliaires, les industries alimentaires ainsi que les services à la personne.
Durée
La durée de l’expérimentation est de 2 ans à compter de la publication du décret définissant les secteurs concernés.
Electorat aux élections professionnelles
Exclusion par la jurisprudence des salariés assimilés au chef d’entreprise
La jurisprudence de la Cour de cassation a complété, dans une interprétation ancienne et constante de sa chambre sociale, les conditions légales pour être électeur et élu aux élections professionnelles. Sont ainsi privés du droit de vote, et par conséquent de celui d’être élus, les salariés qui, « en raison des pouvoirs qu’ils détiennent, peuvent être assimilés au chef d’entreprise » (Cass. soc., 1er avril 1997, n° 96-60.019), afin d’éviter de « placer les intéressés dans la position contradictoire de participer à la vie de telle ou telle institution ». Plus précisément, la jurisprudence exclut pour ce motif les salariés qui :
- disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise,
- ou représentent effectivement l’employeur devant les institutions représentatives du personnel (Cass. soc., 31 mars 2021, n° 19-25.233).
Les dispositions légales, ainsi interprétées, ont eu pour conséquence de priver, par le simple motif de disposer d’une délégation d’autorité ou d’un pouvoir de représentation, certains salariés de la faculté de participer aux élections professionnelles. Ils étaient par conséquent, exclus de l’application du principe de participation des travailleurs.
Censure du Conseil constitutionnel
Dans sa décision n° 2021-947 QPC du 19 novembre 2021, le Conseil constitutionnel a donc censuré l’article L. 2314-18 du code du travail relatif aux conditions requises pour être électeur aux élections professionnelles. Au regard des conséquences qu’aurait emporté une abrogation immédiate des dispositions en question, le Conseil constitutionnel a différé les effets de sa décision dans le temps et reporté l’abrogation de l’article L. 2314-18 du code du travail au 1er novembre 2022.
Nouvelle rédaction du texte
La nouvelle rédaction inscrite dans le texte permet de garantir la participation de l’ensemble des salariés à ces élections, y compris ceux assimilés au chef d’entreprise. En revanche, conformément à une jurisprudence ancienne de la Cour de cassation, le texte confirme, par ailleurs, l’inéligibilité de ces derniers.
Ces dispositions seront rétroactivement applicables depuis le 31 octobre 2022.
Déplafonnement de la durée des missions d’intérim réalisées dans le cadre d’un CDI intérimaire
Le texte supprime la durée maximale applicable aux missions d’intérim réalisées dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée intérimaire (C. trav., art. L. 1251-58-6).
Validation des acquis de l’expérience
Le projet de loi initial, qui prévoyait de valoriser l’expérience des proches aidants et de simplifier certaines procédures, a été enrichi par le gouvernement et le Sénat pour rendre la VAE plus accessible et renforcer l’accompagnement des candidats. L’objectif du gouvernement est d’atteindre 100 000 parcours de VAE par an (contre 30 000 aujourd’hui).
Un service public de la VAE est créé. Le groupement d’intérêt public, qui en sera chargé, devra mettre en place un guichet unique, via une plateforme numérique, à la disposition des candidats. Un décret viendra préciser la nouvelle procédure simplifiée de la VAE. Le dispositif sera ouvert à toute personne dont l’expérience est en lien avec la certification visée.
En outre, une expérimentation de « VAE inversée » sera mise en place pendant trois ans dans des secteurs tendus, pour tester l’opportunité de faire du contrat de professionnalisation le support de l’accès à la certification professionnelle, en associant la voie de l’alternance et celle de la VAE.
Ratification de diverses ordonnances (communiqué du Ministère du travail)
Le texte ratifie également 20 ordonnances prises pendant la période de la crise sanitaire, et portant diverses mesures relatives au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle.