Rupture

Au-delà de l’émotion provoquée par la disparition d’un collaborateur, l’employeur doit faire face à diverses conséquences. Le Code du travail ne précise ni celles-ci ni les mesures que le DRH doit prendre. Il s’agit essentiellement de mesures administratives. Seules les conséquences d’un décès d’origine non professionnelle seront examinées ci-dessous.

Rupture immédiate du contrat de travail

Aucune démarche légale particulière ne s’impose au DRH qui apprend le décès d’un de ses collaborateurs survenu dans un contexte extraprofessionnel (à la différence d’un décès à l’occasion d’un accident du travail). Le contrat de travail du défunt est automatiquement et immédiatement rompu (CA Metz, 15 sept. 1999, nº 97/3557 ; CA Pau, 6 avr. 2009, nº 07/02409). Il n’y a donc pas lieu de procéder à une quelconque notification ou à une prise d’acte.

Ne s’agissant pas d’une rupture à l’initiative de l’entreprise, qui de surcroît ne lui est pas imputable, aucune indemnité spéciale n’est due : ni indemnité compensatrice de préavis, ni indemnité de congédiement. Il convient par ailleurs de vérifier ce que prévoient, le cas échéant, l’accord collectif ou les usages en vigueur dans l’entreprise.

À NOTER

Il a été jugé qu’une indemnité conventionnelle de licenciement devait être versée lorsque le salarié est décédé en cours de préavis, le droit naissant au moment de la notification du licenciement (Cass. soc., 1er févr. 1983, nº 80-41.766).

De même, l’indemnité de rupture conventionnelle doit être versée au salarié décédé avant la date de rupture stipulée dans la convention de rupture, mais après son homologation. En effet, la créance d’indemnité de rupture conventionnelle, si elle n’est exigible qu’à la date fixée par la rupture, naît dès l’homologation de la convention (Cass. soc., 11 mai 2022, n°20-21.103)

Formalités administratives

Le DRH doit accomplir certaines formalités administratives.

Il doit remettre aux ayants droit le dernier bulletin de salaire du collaborateur (Cass. crim., 5 mars 1989, nº 85-95.503), ainsi que son solde de tout compte, arrêté au jour de son décès, de même qu’un certificat de travail (Cass. soc., 20 janv. 1960, nº 57-40.187).

Il doit le radier à partir de cette date du registre du personnel, ainsi que de tout autre document éventuel dans lequel son nom apparaîtrait en tant que salarié encore présent de l’entreprise.

Le service RH doit par ailleurs informer les organismes sociaux (Urssaf, caisse de retraite, organismes de prévoyance et de retraite complémentaire et supplémentaire, Pôle emploi, service de santé au travail, etc.). Les personnes à la charge du salarié défunt ou sa famille peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’un capital décès versé par l’Assurance maladie. En principe, l’entreprise n’a aucune formalité à effectuer pour l’attribution, le calcul et le versement de cette allocation. Cependant, elle peut être amenée, à la demande de la Caisse d’assurance maladie du salarié décédé, à remplir une attestation de salaire pour le calcul de ce capital (www.ameli.fr).

Le versement d’un capital ou d’une rente au bénéfice des proches du salarié décédé est également parfois prévu conventionnellement (accord d’entreprise, convention collective).

Par ailleurs, le régime de prévoyance souscrit dans l’entreprise prévoit souvent le versement d’une rente ou d’un capital aux ayants droit du défunt. Mais c’est en principe aux intéressés de se rapprocher de cet organisme et non à l’entreprise.

À NOTER

En application de l’article 1er de l’ANI du 17 novembre 2017 relatif à la prévoyance des cadres, les employeurs s’engagent à verser, pour tout salarié entrant dans le champ d’application de l’accord, une cotisation à leur charge exclusive, égale à 1,50 % de la tranche de rémunération inférieure au plafond de sécurité sociale et affectée par priorité à la couverture d’avantages en cas de décès. À défaut de mise en place d’une prévoyance, l’employeur doit verser aux ayants droit du cadre ou du VRP décédé une somme égale à trois fois le plafond annuel de la Sécurité sociale en vigueur lors du décès. Le versement de cette somme est effectué dans l’ordre suivant : au conjoint survivant non séparé de droit ou de fait, à défaut aux descendants et à défaut à la succession.

Il a récemment été jugé à cet égard que, pour s’assurer du respect par l’employeur des dispositions de l’ANI du 17 novembre 2017, il est licite de faire masse de la participation financière de l’employeur au régime de prévoyance et de la participation financière au régime de frais de santé, applicables dans l’entreprise (Cass. soc., 30 mars 2022, nº 20-15.022, voir « Vers un assouplissement de l’appréciation de la cotisation relative à la prévoyance des cadres ?« ).

Sommes à verser à la succession

L’entreprise reste redevable des salaires et indemnités échus à la date du décès (CA Pau, 6 avr. 2009, nº 07/02409), qui entrent dans le patrimoine de l’intéressé et donc de sa succession.

Outre les salaires à proprement parler, sont ainsi notamment dues les sommes suivantes (v. tableau à télécharger ci-dessous).

Ne sont susceptibles d’entrer dans la succession du salarié que les sommes sur lesquelles ce dernier avait acquis un droit à une date antérieure à son décès (CA Lyon, 4 mai 2012, nº 11/05969).

Ainsi, la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, qui a pour objet d’indemniser le salarié qui, après rupture du contrat de travail, est tenu d’une obligation qui limite ses possibilités d’exercer un autre emploi, n’est pas due en cas de rupture du contrat de travail par suite du décès du salarié (Cass. soc., 29 oct. 2008, nº 07-43.093).

Le droit à l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle n’est pas non plus ouvert avant la rupture du contrat de travail. Si le salarié avec lequel est convenue une rupture conventionnelle décède avant la date à laquelle l’homologation de la rupture aurait été réputée acquise, le droit à l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle n’est pas entré dans son patrimoine avant son décès, qui a eu pour effet de rompre le contrat de travail toujours en cours. Ses héritiers ne peuvent alors pas demander le paiement de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle convenue (CA Lyon, 17 juin 2013, nº 12/00166). En revanche, l’indemnité de rupture conventionnelle est due si l’homologation est antérieure au décès, peu important par ailleurs que le décès soit intervenu antérieurement à la date fixée pour la rupture (Cass. soc., 11 mai 2022, nº 20-21.103).

De même, n’est pas due une indemnité contractuelle de départ qui s’inscrivait donc dans le cadre d’un « départ » de l’entreprise consécutif à une rupture du contrat de travail, que ce soit à l’initiative de l’employeur ou du salarié. Le décès du salarié, aussi tragique soit-il, ne saurait être constitutif d’un mode de rupture du contrat de travail répondant aux conditions de la clause (CA Lyon, 4 mai 2012, nº 11/05969).

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