Certaines règles applicables font beaucoup parler d’elles alors qu’elles ne trouvent, de fait, que rarement à s‘appliquer. Il en est ainsi de la cotisation relative à la prévoyance des cadres et des sanctions qui y sont attachées, applicables uniquement en cas de décès du salarié.
La cotisation relative à la prévoyance des cadres
L’article 7 de la convention de 1947 prévoyait une cotisation spécifique égale à 1,5% de la tranche de rémunération inférieure au plafond de la sécurité sociale (Tranche A, désormais Tranche 1), versée à un organisme de prévoyance ou d’assurance, à la charge exclusive de tout employeur pour tout cadre, assimilé cadre ou VRP. Il était précisé que cette cotisation devait être affectée en priorité (soit plus de la moitié de cette cotisation) à la couverture d’avantages en ca s de décès du salarié concerné.
A la faveur de la fusion des régimes de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO, ces dispositions ont été reprises par l’Accord National Interprofessionnel du 17 novembre 2017 relatif à la prévoyance des cadres, étendu le 27 juillet 2018.
En cas de non-respect de ces dispositions et à la condition cumulative du décès d’un salarié entrant dans le champ d’application de l’ANI du 17 novembre 2017, l’employeur doit alors verser aux ayants-droit de ce salarié décédé, une somme égale à 3 PASS en vigueur lors du décès.
Se pose donc la question de l’appréciation du respect de ces dispositions. C’est le point de droit que la Cour de cassation a eu à connaitre récemment (Cass. soc., 30 mars 2022, n°20-15.022).
appréciation du respect du versement de la cotisation
Dans cette espèce, le syndicat Avenir Sopra Steria affirmaient que les sociétés intimées, constituant une UES, ne respectaient pas leur obligation en matière de prévoyance des cadres, les bulletins de salaire communiqués laissant apparaitre une participation financière de l’employeur au titre de la prévoyance s’élevant seulement à 1% de la tranche 1 du salaire des salariés concernés.
Les sociétés composant l’UES soutenaient que ces dispositions de 1947, puis de 2017, devaient être entendues de manière large dans la mesure où, d’une part, cette cotisation spécifique doit être versée à « une institution de prévoyance ou un organisme d’assurance » et, d’autre part, que la prévoyance devait être entendue de manière large, les cotisations de l’employeur au titre du régime de prévoyance mais également du régime de frais de santé devant être ensemble prises en compte. Pour elles, les dispositions de 1947 reprises par l’ANI de 2017 étaient bien respectées dès lors que l’employeur cotisait à hauteur de 2,8% de la tranche 1 de la rémunération, avec 1% de cette cotisation consacrée aux risques dits lourds mais également à hauteur de 1,18% pour les frais de santé.
La deuxième partie de cette argumentation avait été validée par la Cour d’appel de Paris, l’appréciation du respect des règles relatives à la prévoyance des cadres doivent prendre en compte non seulement les cotisations versées au titre de la prévoyance mais également les cotisations versées au titre du régime de frais de santé (CA Paris 06.02.2020 n°18/20112 Syndicat Avenir Sorpra Steria c/ SA Sopra Steria Group)
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel au motif que « ni la CCN de 1947 ni l’ANI qui la substituait n’excluaient les frais de santé des avantages de prévoyance financés par l’employeur, seule étant prévue une affectation prioritaire de la cotisation à la couverture décès. Dès lors, pour vérifier si l’employeur respecte son obligation […] il doit être tenu compte de la cotisation patronale versée pour le financement de la garantie de frais de santé »
Pour s’assurer du respect par l’employeur des dispositions de l’ANI du 17 novembre 2017, il est donc désormais légitime de faire masse de la participation financière de l’employeur au régime de prévoyance et de la participation financière au régime de frais de santé, applicables dans l’entreprise.
Il est désormais légitime de faire masse de la participation financière de l’employeur au régime de prévoyance et de la participation financière au régime de frais de santé
La facilité ouverte aux employeurs par cette décision doit toutefois être maniée avec prudence notamment en fonction de la manière dont est exprimée la cotisation afférente au régime de frais de santé mais également en cas de dispense d’affiliation du cadre concerné au régime de frais de santé mis en place dans l’entreprise.
A noter également que, dès lors que le régime de prévoyance est mis en place par accord collectif dans l’entreprise, un employeur en difficulté quant au respect de cette obligation de cotisation, même en prenant en compte la cotisation afférente au régime de frais de santé, pourrait soutenir que l’ANI de 2017 ne saurait prévaloir sur les dispositions de l’accord collectif conclu au sein de l’entreprise. En effet, l’ANI de 2017 ne répond pas aux conditions fixées par les dispositions des articles L.2253-1 du Code du travail et L.912-1 du Code de la sécurité sociale permettant de faire prévaloir l’accord interprofessionnel sur l’accord d’entreprise, dans la mesure où il n’institue pas de garanties présentant un degré élevé de solidarité. Autrement dit, l’accord collectif de prévoyance bénéficie de la prévalence légale sur l’accord interprofessionnel.