Covid-19

Depuis le début de la crise sanitaire, le déploiement du télétravail s’est imposé au monde de l’entreprise. Son volume s’est adapté au flux et reflux des vagues épidémiques. Le télétravail a toujours été présenté, par les pouvoirs publics, comme une obligation pour les entreprises.

Face à la contagiosité du variant omicron, le gouvernement a décidé de « changer de braquet ». Depuis quelques jours, la Ministre du travail l’affirme : les entreprises ne respectant pas l’obligation de placer les salariés qui le peuvent en télétravail seront désormais passibles d’une sanction financière (voir « Mise à jour du Q/R du Ministère sur le télétravail« ). A charge pour l’inspection du travail, dans le cadre de leurs contrôles, de vérifier ce qu’il se passe sur le terrain et de prononcer des sanctions s’il y a lieu.

Le nouveau dispositif a été glissé dans le projet de loi sur le passe vaccinal. Mais qu’en est-il exactement ?

Un amendement au projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire

Le parcours législatif du projet de loi est quelque peu chaotique. Avec du retard par rapport au calendrier envisagé initialement par le gouvernement, l’assemblée nationale a adopté le texte en 1ère lecture, tôt ce matin (voir « Projet de loi relatif au passe vaccinal : adoption en 1ère lecture par l’AN ». Rappelons que c’est dans ce texte qu’un amendement a été glissé lors de l’examen en Commission des lois, portant sur la mise en place d’une sanction administrative pour les entreprises ne respectant pas l’obligation de placer les salariés en situation de télétravail.

Rappelons aussi qu’un amendement donne lieu à un traitement « allégé » par rapport au projet de loi lui-même (pas d’étude d’impact ni d’avis du Conseil d’Etat).

Un amendement qui ne crée pas une obligation de télétravail

Il n’existe dans le code du travail aucune disposition imposant à l’employeur le recours au télétravail. Dans la profusion de textes législatifs adoptés pour faire face à la crise sanitaire, on ne trouve trace d’aucune prescription particulière concernant les modalités d’exercice du télétravail ou visant à imposer le recours au télétravail aux entreprises.

Une nouvelle fois, le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire ne consacre aucune obligation pour les entreprises de placer leurs salariés (ceux qui le pourraient) en télétravail.

D’ailleurs, il est intéressant que l’on ne retrouve dans le texte du projet (ni même dans l’exposé sommaire présentant l’amendement) aucune trace du mot « télétravail ». En réalité, la sanction administrative qui est créée se rattache à l’obligation générale de prévention de l’employeur pour assurer la santé de ses collaborateurs.

Les inspections du travail pourront donc prononcer une sanction administrative à l’encontre d’un employeur non pas pour avoir manqué à une obligation de placer les salariés en télétravail, mais pour manquement à l’obligation de prévention.

Le télétravail est l’un des outils (parmi d’autres ; dont le premier reste celui des gestes barrière) que l’employeur peut mobiliser pour assurer la protection des salariés face au risque d’exposition à la covid-19. Il faut d’ailleurs constater que, dans leur très grande majorité, les entreprises ont « joué » le jeu du télétravail ; de sorte que la mise en place d’une sanction administrative est aujourd’hui peu comprise par les employeurs.

Affirmer que le télétravail est obligatoire ne suffit pas à créer une obligation juridique de télétravailler…

La Ministre du travail affirme régulièrement que le télétravail est obligatoire pour les entreprises. Toutefois, affirmer que le télétravail est obligatoire ne suffit pas à créer une obligation juridique de télétravailler.

Un amendement qui crée une amende administrative

Le dispositif de l’amende administrative dote les inspecteurs du travail d’un outil qui leur permet de sanctionner plus efficacement un employeur récalcitrant. En effet, l’amende administrative se substitue à l’engagement de poursuites pénales, dont l’issue et donc l’effet concret se trouvent reportés dans le temps.

L’amende administrative est immédiate ; de sorte qu’elle gagne en efficacité dans son objectif de prévention / répression / régularisation. Il s’agit d’un outil que connait bien le corps des inspecteurs du travail pour de nombreux sujets relatifs au droit du travail.

Deux particularités méritent d’être relevées dans le dispositif mis en place :

  • il n’y aura amende administrative que si l’employeur ne respecte pas une mise en demeure qui lui aura été préalablement notifiée. Ce qui signifie que l’amende administrative n’est pas automatique dès lors qu’il sera constaté que des salariés sont sur site alors que l’inspecteur du travail estime qu’ils pourraient télétravailler. La sanction ne devrait être prononcée qu’après un dialogue resté infructueux entre l’inspection du travail et l’employeur.
  • l’employeur dispose de la faculté de former un recours contre l’amende administrative si elle venait à être prononcée. Le texte du projet de loi prévoit, de manière plutôt inédite, que le recours est suspensif ; de sorte que l’employeur n’est pas tenu de payer s’il exerce un recours.

Le texte va désormais poursuivre son parcours législatif et sera examiné normalement en début de semaine prochaine par le Sénat.

Il faudra donc suivre l’évolution que pourra connaître ce dispositif avant son adoption définitive.