Rupture

La polĂ©mique de ce dĂ©but d’annĂ©e 2020, relative Ă  la vidĂ©o rĂ©alisĂ©e par des salariĂ©s de l’entreprise « le Slip Français Â», intĂ©resse le juriste en droit du travail.

Revenons sur les faits tels qu’ils sont dĂ©crits dans la presse : lors d’une soirĂ©e privĂ©e, des employĂ©s d’une entreprise ont tournĂ© des vidĂ©os dans lesquelles on peut voir une personne qui s’est teint la peau en noir (« blackface Â») et une autre dĂ©guisĂ©e en singe, puis les ont diffusĂ©s sur les rĂ©seaux sociaux. Face Ă  la polĂ©mique suscitĂ©e par ces vidĂ©os, l’employeur a indiquĂ© dans un communiquĂ© avoir dĂ©cidĂ© de convoquer et sanctionner les salariĂ©s impliquĂ©s. Certains mĂ©dias ont Ă©voquĂ© une mise Ă  pied Ă  titre conservatoire.

Précisons d’ores et déjà que la mise à pied à titre conservatoire n’est pas une sanction. C’est une mesure permettant à l’employeur d’écarter un salarié de l’entreprise le temps du déroulement de la procédure. Ce n’est qu’à l’issue de la procédure, que l’entreprise prendra une décision. Par exemple le prononcé d’un licenciement pour motif disciplinaire, c’est-à-dire pour faute.

Toutefois, la mise Ă  pied n’implique pas nĂ©cessairement que le licenciement ait un caractère disciplinaire. L’entreprise pourrait donc dĂ©cider de se placer sur un autre registre que celui du licenciement pour faute. Il s’agit d’ailleurs selon nous de la piste qu’il conviendrait de privilĂ©gier. Explications :

Vie personnelle, vie professionnelle et droit disciplinaire

Un salariĂ© Ă  deux vies : une vie professionnelle et une vie personnelle. Pour faire simple, retenons que la vie personnelle est celle qui se dĂ©roule en dehors du temps et du lieu de travail et que la vie professionnelle concerne les faits rĂ©alisĂ©s pendant le temps de travail et/ou sur le lieu de travail.

Dans le cadre de sa vie professionnelle, le salarié est subordonné à l’autorité de son employeur. Il peut donc faire l’objet d’un licenciement disciplinaire lorsqu’il commet une faute, par exemple la tenue de propos racistes à l’égard de l’un de ses collègues.

Dans le cadre de sa vie personnelle, le salarié n’est tenu à presque aucune obligation à l’égard de son employeur. Attention, toutefois, à l’obligation de loyauté qui subsiste. Ainsi, un salarié qui tient des propos racistes en dehors de son temps et de son lieu de travail ne peut pas, en principe, être sanctionné par son employeur. Les faits relèvent, le cas échéant, de la loi pénale.

Les vidéos faisant polémique ayant été réalisées dans le cadre de la vie personnelle des salariés, un licenciement disciplinaire n’est donc peut-être pas la meilleure option d’un point de vue juridique.

Le trouble causé à l’entreprise

Une solution pourrait toutefois ĂŞtre retenue : celle d’un licenciement fondĂ© sur le trouble causĂ© Ă  l’entreprise par le comportement des salariĂ©s.

Il ne s’agit donc plus d’un licenciement fondé sur une faute disciplinaire, mais sur le trouble objectif causé à l’entreprise par le comportement des salariés. Il faudra, bien évidemment, démontrer ce trouble. L’importance de la polémique médiatique et le risque d’atteinte à la réputation de l’entreprise sont des éléments qui peuvent valablement étayer le trouble.

Evidemment, dans ce cadre, les salariés licenciés auront droit à une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et au paiement des salaires durant l’éventuelle période de mise à pied conservatoire.

Affaire à suivre…