Statut collectif

Jean-François Cesaro, Professeur à l’Université Panthéon Assas (Paris II) et membre du Conseil scientifique Capstan, revient sur la prévalence de la branche dans les projets d’ordonnances.

La branche, naguère espèce supérieure de la faune conventionnelle, ne conserve sa domination, selon la “première” ordonnance Macron, que dans le domaine limitativement défini par le futur nouvel article L. 2253-1 du Code du travail.

Ce texte s’il confirme la majeure partie des cas dans lesquels la branche “domine” (V. art. L. 2253-3 encore en vigueur) y ajoute 5 nouvelles rubriques concernant respectivement :

  • la durée du travail,
  • certains contrats précaires (CDD, travail temporaire),
  • les contrats de chantier ou d’opération,
  • le renouvellement de l’essai
  • et les transferts conventionnels.

Ces nouveaux cas surprennent un peu car le législateur prévoit déjà pour chacun d’eux que la question relève de la négociation de branche. Ainsi, en matière de durée du travail, affirmer la prévalence de la branche pour la question réglée par l’article L. 3121-14 paraît inutile. Ce texte prévoit en effet qu’une “convention ou un accord de branche étendu peut instituer une durée du travail équivalente à la durée légale pour les professions et emplois mentionnés à l’article L. 3121-13”.

Pourquoi dans ces conditions, affirmer la prévalence de la branche s’agissant de matières sur laquelle, seule la branche peut intervenir ?

Plusieurs interprétations sont concevables.

Il peut s’agir d’une répétition – le législateur reprend la liste des cas dans lesquels il a déjà spécialement prévu la seule intervention de la branche. Si tel est le cas, la règle est inutile et conduit à se demander quelle place il convient d’accorder aux textes qui ne figurent pas dans le futur article L. 2253-1 du Code du travail mais qui, néanmoins, prévoient l’intervention (semble-t-il) exclusive de la branche (V. par exemple, C. trav. art. L. 3123-18, L. 3323-7, L 5134-62, L. 6322-17).

Si l’on souhaite donner une signification à cette règle, il faut considérer qu’il s’agit d’une authentique règle d’articulation. Autrement dit, il s’agit d’affirmer la supériorité de la branche sur la négociation d’entreprise. Par voie de conséquence, la négociation d’entreprise serait possible pour prévoir des dispositions plus favorables y compris dans les domaines où le législateur prévoit spécifiquement que la question relève de la branche. C’est le sens du dernier alinéa du futur article L. 2253-1 qui prévoit que dans toutes les matières qu’il énumère la branche l’emporte sauf disposition plus favorable de l’accord ou de la convention d’entreprise. Si cette interprétation logique et littérale est retenue, l’ordonnance, finalement, consacre une autorité très relative à l’accord de branche auquel il reste possible de déroger « en mieux » et ne lui attribue pas un monopôle.