Voici révolu le temps où, la pratique du sport professionnel, sous la forme du CDD dit d’usage issu des articles L. 1244-1 3° et D. 1242-1 5° du Code du travail, exposait à une constante sévérité de la Cour de Cassation depuis 2008 et un risque avéré d’une requalification en CDI de la relation de travail.
Un arrêt de la Cour de Cassation du 4 décembre 2019 (Cass. soc. 4 décembre 2019, n°18-11989) devrait être, dans le secteur d’activité du sport professionnel, l’une des dernières illustrations de cette censure opérée par les Hauts Magistrats du recours systématique au CDD. En effet, en réaction à la sévérité et la rigueur de la Cour de cassation, une réponse a été apportée par le législateur lui-même, sous la forme d’une loi spéciale (Loi n°2015-1541 du 27 novembre 2015), codifiée aux article L. 222-2 à L. 222-2-8 du Code du sport.
D’un CDD d’usage, issu du Code du travail….
En matière sociale, la loi rappelle que « le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail » (C. trav., art. L. 1221-2). Le recours au CDD est alors encadré strictement, la loi précisant qu’« un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise » (C. trav., art. L. 1242-1).
Le Code du Travail ajoute que le CDD « ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire » et seulement dans des cas strictement énumérés par la loi. Il en est notamment ainsi d’ « emplois pour lesquels dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois » (C. trav., art. L. 1242-2 3°).
Or, le décret vise expressément le sport professionnel comme étant un secteur d’activité dans lequel des CDD d’usage peuvent être conclus (C. trav., art. D. 1242-1 5°).
Jusqu’en 2008, la qualification de CDD d’usage était validée par la Cour de Cassation
Jusqu’en 2008, la qualification de CDD d’usage était validée par la Cour de Cassation, par le seul fait que ledit CDD avait été conclu dans un secteur d’activité, tel le sport professionnel, où il est d’usage de ne pas recourir à des CDI (exemple Cass. soc., 25 mai 2005, n°04-40169).
Toutefois, cette position ne résista pas bien longtemps. Sur le fondement de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en œuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de CDD successifs, la Cour de Cassation opéra en 2008 un revirement, consistant à rechercher systématiquement si le recours à l’utilisation de CDD successifs « est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi » (Cass. soc., 23 janvier 2008, n°06-44197).
C’est dans cette mouvance judiciaire non démentie depuis 2008, que s’inscrit l’arrêt récent du 4 décembre 2019. Pour la Cour de Cassation, la requalification des CDD successifs en une relation de travail à durée indéterminée d’un joueur de rugby doit être prononcée lorsque l’employeur se borne à affirmer qu’il est d’usage de ne pas recourir au CDI dans le secteur du sport professionnel et ne produit aux débats aucun élément concret et précis de nature à établir que le salarié exerçait un emploi par nature temporaire.
Cette solution, conforme à la position inchangée de la Cour de cassation depuis 2008, ne surprend pas ; à la réserve près que, dans le secteur du sport professionnel, il s’agira probablement de l’un des derniers si ce n’est du dernier arrêt statuant en ce sens. En effet, pour endiguer l’insécurité juridique résultant du recours au CDD d’usage dans le secteur d’activité du sport professionnel, le législateur a fait voter une loi spéciale, désormais inscrite dans le Code du sport.
….à un CDD spécial, issu du Code du sport
La loi du 27 novembre 2015, visant à protéger les sportifs de haut niveau et les professionnels, et à sécuriser leur situation juridique et sociale, a institué au profit du sportif professionnel salarié et de l’entraîneur professionnel salarié le principe du recours à un CDD spécial, codifié aux articles L. 222-2 à L. 222-2-8 du Code du sport.
Pour sécuriser la relation de travail et préserver le secteur du sport de la position de la Cour de cassation sur les CDD d’usage, l’article L. 222-2-3 du Code du sport prévoit que : « Afin d’assurer la protection des sportifs et entraîneurs professionnels et de garantir l’équité des compétitions, tout contrat par lequel une association sportive ou une société (..) s’assure moyennant rémunération, le concours de l’un de ces salariés est un contrat de travail à durée déterminée ».
Peu importe le caractère temporaire ou non de l’emploi, l’obligation est faite à l’employeur de recourir au CDD issu du Code du sport
Peu importe dès lors le caractère temporaire ou non de l’emploi, l’obligation est faite à l’employeur de recourir au CDD issu du Code du sport. Il en est ainsi pour tout contrat conclu ou renouvelé postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi de 2015.
La loi spéciale devrait limiter le risque judiciaire afférant à la jurisprudence de la Cour de cassation sur le CDD d’usage. Au motif de la protection et de l’équité, le droit du sport s’est donc sensiblement affranchi du droit du travail, en faisant d’une exception (le recours au CDD) un principe de la relation contractuelle et en codifiant les modalités d’application de ce CDD spécial et dérogatoire au droit commun.
A partir du moment où le CDD est la norme dans le sport professionnel, il en est résulté des conditions de recours facilitées. Il serait également dans l’ordre des choses, que les hypothèses de rupture anticipée soient assouplies, mais c’est là une autre histoire…….