IRP

« L’interprétation de la Cour des articles L. 2121-1, L. 2141-1 et L. 2141-1-1 ajoute une condition qui n’est pas dans la loi. Ainsi, l’interprétation contra legem de la Cour méconnaît le principe de liberté syndicale, le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, le principe d’égalité devant la loi et le principe de séparation des pouvoirs ; Il y a dès lors lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel. L’article L. 2121-1 tel qu’interprété par la Cour de cassation est-il (conforme) à la Constitution ? »

L’article L. 2121-1 du code du travail est applicable au litige, qui concerne une demande d’annulation de la désignation d’un représentant de section syndicale au motif, notamment, que le syndicat auteur de la désignation ne satisferait pas à la condition de transparence financière prévue par cette disposition.

Si l’article L. 2121-1 du code du travail a déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n°2010-63/64/65 QPC rendue le 12 novembre 2010 par le Conseil constitutionnel, est intervenu depuis cette décision un changement de circonstance de droit résultant d’un arrêt de la Cour de cassation (Soc., 22 février 2017, pourvoi n°16-60.123, Bull. 2017, V, n°29), lequel, en énonçant que tout syndicat doit, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l’entreprise, satisfaire au critère de transparence financière, confère une portée nouvelle à cette disposition.

La question posée présente un caractère sérieux. D’abord, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative, sous la réserve que cette jurisprudence ait été soumise à la cour suprême compétente. Ensuite, il existe une interprétation jurisprudentielle constante de l’article L. 2121-1 du code du travail par la Cour de cassation (Soc., 22 février 2017, pourvoi n°16-60.123,  Bull. 2017, V, n°29 ; Soc., 17 octobre 2018, pourvoi n°18-60.030, en cours de publication) selon laquelle tout syndicat doit, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l’entreprise, satisfaire au critère de transparence financière. Enfin, la disposition légale ainsi interprétée pourrait être regardée, s’agissant des syndicats non représentatifs, comme portant atteinte au principe de liberté syndicale. En conséquence, il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

[Cass. soc., QPC ; 29 janvier 2020, n°19-40034, FS-P+B]