Conditions de travail

Dans une décision-cadre du 2 octobre 2019, le Défenseur des droits dénonce le « lookisme » dans l’emploi et appelle les employeurs à revoir leurs exigences en matière de vêture, coiffure, port de la barbe, minceur, piercings et tatouages, etc. à la lumière du principe de non-discrimination.

QU’EST-CE QUE LE « LOOKISME » ?

Le néologisme lookisme désigne la création de stéréotypes et les discriminations pour cause d’apparence physique.  « Le lookisme est la supposition que l’apparence physique est un indicateur pour la valeur d’une personne. Elle fait référence à la construction sociale d’une norme de beauté et à l’oppression par création de stéréotypes et par généralisation sur des personnes correspondant ou ne correspondant pas à cette norme. » (source : wikipedia)

Longtemps sous-estimé, le lookisme se traduit par une plus grande réussite des personnes jugées attractives. Selon le Défenseur des droits, 1 chômeur sur 3 estime acceptable de refuser un emploi à une personne en surpoids, 1 recruteur sur 2 porte un jugement sur un candidat avant même qu’il ne se soit exprimé et les personnes « belles » perçoivent un salaire 12% plus élevé que les autres.

QUID DU PRINCIPE DE NON-DISCRIMINATION FONDE SUR L’APPARENCE PHYSIQUE ?

Ce principe figure dans la liste des discriminations illicites fixée par l’article L. 1132-1 du Code du travail.

Le Défenseur des droits rappelle (i) l’interdiction de prendre en compte l’apparence physique lors du recrutement et en cours de carrière, et (ii) que les salariés sont libres d’adopter les attributs vestimentaires et corporels de leur choix. L’employeur peut toutefois apporter certaines restrictions à la liberté dont disposent leurs salariés sur leur apparence. Selon le Défenseur des droits, il faut « mettre en balance les intérêts légitimes des employeurs avec le droit au respect des libertés des personnes, leur santé et leur sécurité au travail ainsi que le droit de la non-discrimination, tout en prenant en considération l’évolution des modes et des codes sociaux ».

Les employeurs sont invités à vérifier que leurs pratiques et codes vestimentaires sont toujours en adéquation avec les évolutions sociétales

Ainsi, les employeurs sont invités à vérifier que leurs pratiques et codes vestimentaires sont toujours en adéquation avec les évolutions sociétales. Certains codes, considérés comme légitimes par le passé, sont aujourd’hui totalement obsolètes, sexistes et discriminatoires. La décision-cadre vise à fournir aux employeurs un vade-medum en la matière.

QUELLES SONT LES PRATIQUES A PROSCRIRE ?

Tenues vestimentaires. Le Défenseur des droits dénonce les codes vestimentaires obéissant à des stéréotypes de genre « stricts et conservateurs » tels que talons, jupes et décolletés tendant au sexisme. En revanche, dès lors que les restrictions sont justifiées, shorts et tongs peuvent par exemple être interdits et cravates ou uniformes imposés.

Coiffures. Sont discriminatoires les stéréotypes de genre tels que l’interdiction du port des cheveux longs aux hommes ou les pratiques tendant à interdire les coiffures de cheveu texturé, ou à imposer des coupes obéissant à des normes « eurocentrées » susceptibles de caractériser une discrimination physique rapportée à l’origine ethnique.

Tatouage, piercing et barbe. Compte tenu des codes esthétiques actuels, doivent être prohibées les restrictions, non exigées par le poste lui-même, aux expressions corporelles (tatouages et piercings), dès lors qu’ils sont discrets et non choquants. De même, le port de la barbe (soignée et entretenue) doit être autorisé, sauf impératif de sécurité ou violation du principe de neutralité édicté dans le règlement intérieur de l’entreprise.

« Grossophobie ». Il est discriminatoire de refuser d’embaucher, de sanctionner ou de licencier un(e) salarié(e) en raison de son poids. Même dans les métiers comportant des exigences physiques relatives au poids, il est interdit de sanctionner systématiquement les prises de poids, sauf circonstances exceptionnelles.

QUELLES RECOMMANDATIONS POUR LES DRH ?

Le Défenseur des droits suggère aux employeurs de consigner dans un document écrit (règlement intérieur, contrat de travail, note de service) toutes les restrictions en matière d’apparence physique justifiées par la nature de l’emploi occupé et la tâche à accomplir, en respectant le principe de proportionnalité.

Il incite également à :

  • mettre en place des outils de prévention,
  • sanctionner de manière dissuasive et effective les agissements discriminatoires des salariés,
  • former les managers,
  • associer les partenaires sociaux à la mise en œuvre effective des mesures propres à réduire ces discriminations.

Cette décision a indéniablement le mérite de mettre en lumière une forme de discrimination à la fois tolérée et difficile à prouver, et de sensibiliser les DRH à la nécessité d’adapter leurs pratiques aux évolutions sociétales. On peut néanmoins regretter l’absence de distinction entre les pratiques discriminatoires reposant sur des caractéristiques physiques subies (grossophobie, codes vestimentaires reposant sur un stéréotype de genre) et situations où les restrictions portent sur des caractéristiques physiques choisies (coiffure, tatouage), pour trouver un juste équilibre entre les libertés des personnes et les intérêts de l’entreprise.