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Quelle est la masse salariale de référence à prendre en compte pour le calcul des budgets du CSE ? Réponse (1/2) par Arnaud Teissier, Avocat associé

Bref rappel

Les budgets du comité d’entreprise (budget de fonctionnement ; contribution patronale au financement des activités sociales et culturelles (ASC)) sont historiquement calculés sur la base de la masse salariale de l’entreprise.

Toutefois, le Code du travail ne donnait aucune indication sur la définition de la masse salariale de référence et retenait même des termes différents selon qu’était visé le budget de fonctionnement (« masse salariale brute ») ou des ASC (« montant global des salaires payés »).

De façon spontanée, la très grande majorité des entreprises a – depuis l’origine – retenu comme assiette de calcul le montant brut des rémunérations mentionnées dans la « déclaration annuelle des données sociales » (DADS).

Remettant en cause cette pratique établie depuis près de 60 ans, un arrêt de la Cour de cassation du 31 mars 2011 (jurisprudence IBM) a affirmé que « la masse salariale servant au calcul de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles s’entend de la masse salariale brute comptable correspondant au compte 641 « rémunération du personnel » tel que défini par le plan comptable général ».

Cette décision n’avait pas vocation à faire l’objet d’une publicité au-delà de l’affaire pour laquelle elle a été rendue (décision d’une formation restreinte, non publiée au bulletin civil).

Pourtant, sur la base de cette décision, on a pu assister à une véritable hémorragie de contentieux émanant de comités d’entreprise sollicitant des rappels de subventions au titre des 5 dernières années (voire pour certains des 30 dernières années) pour des montants représentant souvent des centaines de milliers d’euros, voire même plusieurs millions d’euros.

Pour mémoire, le compte 641 intègre par exemple (à la différence de la DADS) :

  • des éléments ne correspondant pas aux salaires versés au titre de l’année en cours (provisions pour congés payés, provisions pour rémunération variable, …),
  • de même que des éléments de nature indemnitaire (indemnité de licenciement, …) ou n’ayant pas la nature de salaire (épargne salariale, frais professionnels, …).

Les juridictions du fond saisies de ces litiges ont adopté, pour certaines, des décisions en faveur du compte 641, pour les autres, des décisions en faveur de la DADS.

Pour sa part, la Cour de cassation, sans remettre en cause la référence au compte 641 comme possible assiette de référence, a – au fil des affaires lui étant soumises – égrainé les éléments du compte 641 qui devaient être soustraits pour déterminer la masse salariale pour le calcul des budgets.

La situation était donc totalement instable.

La définition de la masse salariale proposée par l’ordonnance

Pour mettre un terme à une insécurité juridique et financière latente, l’ordonnance tranche et propose une définition de la masse salariale de référence :

« la masse salariale brute est constituée par l’ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale en application des dispositions de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. »

Deux règles essentielles sont ainsi consacrées :

  1. Il est clairement affirmé que la masse salariale de référence est constituée des seuls gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale. Le compte 641 ne peut plus être retenu comme base de référence pour le calcul des budgets du comité d’entreprise.
  2. Une définition identique de la masse salariale de référence est retenue pour les deux budgets du Comité social et économique : nouveaux articles L. 2312-83 (pour le budget de fonctionnement) et L. 2315-57 du Code du travail (pour la contribution ASC).

La rédaction actuelle de l’ordonnance mériterait deux précisions pour éviter la poursuite de contentieux longs et douloureux :

1/  Du fait de l’élargissement de l’assiette d’assujettissement à cotisations de sécurité sociale, des sommes versées aux salariés à l’occasion de la rupture du contrat de travail peuvent être assujetties à charges, alors même qu’il s’agit d’indemnité et non de salaire.

Il serait utile de préciser que, lorsque sont visés les gains et rémunération, il s’agit des salaires versés au cours de l’exécution du contrat de travail

En effet, il convient d’éviter que des sommes, parce qu’elles sont assujetties à cotisations, puissent être assimilées à un gain ou une rémunération.

Cette formulation permettrait en outre d’éteindre toute discussion sur la (non) prise en compte des provisions dans l’assiette de calcul.

2/  La Cour de cassation a considéré que la rémunération de certains salariés mis à disposition pouvait être intégrée dans la masse salariale de la société utilisatrice.

Les difficultés juridiques, pratiques et techniques associées à cette solution la rendent extrêmement complexe – voire même impossible – à mettre en œuvre matériellement.

Il serait utile de retenir une formulation excluant la prise en compte des salariés mis à disposition par la société utilisatrice ; les salariés mis à disposition sont de toute façon pris en compte par leur société d’origine (et continuent à bénéficier des ASC de leur société d’origine).