Statut collectif

Afin de favoriser une plus grande efficacité de la négociation collective en France, le législateur a engagé depuis plusieurs années un vaste programme de restructuration des branches professionnelles. Trop nombreuses, les branches ont tissé au fil des ans un paysage conventionnel que le ministère du travail a jugé trop morcelé et hétéroclite. Le programme de restructuration des branches mis en place par le législateur a donc concrètement pour objectif de diminuer leur nombre, pour renforcer les branches « survivantes ».

Au lancement de la réforme (en 2014), les branches étaient au nombre de 700 ; elles devaient être moins de 200 à la fin de l’été 2019… Les branches professionnelles sont donc « invitées » à procéder à des regroupements.

La procédure de fusion

Pour accompagner ce mouvement et atteindre l’objectif fixé, le législateur a imaginé un dispositif « sur mesure ». Deux voies sont ouvertes pour réaliser les fusions de branches :

  • une voie négociée : les partenaires sociaux des branches concernées s’entendent pour acter d’un nouveau champ conventionnel (fusion des champs existants) ;
  • une voie « administrée » : le ministre du travail a été doté par le législateur de la possibilité d’imposer une fusion entre plusieurs branches professionnelles. Un arrêté de fusion acte alors du rattachement d’une branche « faible » à une branche « forte », s’approchant en quelque sorte d’un mécanisme de « fusion-absorption ».

Une QPC sur la voie administrée

C’est précisément la voie « administrée » qui a donné lieu à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Des organisations syndicales ont en effet saisi le Conseil constitutionnel. Selon elles, en imposant aux branches professionnelles de fusionner (entrainant la disparition de certaines d’entre elles), le Ministère du Travail méconnaitrait des droits et libertés garanties par la Constitution :

  • la liberté contractuelle et du droit au maintien de l’économie des conventions légalement conclues ;
  • la liberté syndicale ;
  • la liberté de négociation collective ;
  • la participation des salariés à détermination collective de leurs conditions de travail.

Le Conseil constitutionnel n’avait pas été appelé jusqu’à présent à se prononcer sur la constitutionnalité du dispositif légal encadrant les fusions de branches. Cette QPC était donc particulièrement attendue.

Validation du dispositif de fusion administrée

Dans sa décision du 29 novembre 2019 (n°2019-816 QPC), le Conseil constitutionnel déclare le dispositif de fusion imposée des branches professionnelles globalement conforme à la Constitution. Le Conseil Constitutionnel constate que les prérogatives accordées au Ministre du Travail en matière de restructuration administrée des branches professionnelles portent atteinte à la liberté contractuelle en matière de négociation collective. Toutefois, il rappelle que des exigences constitutionnelles ou des motifs d’intérêt général peuvent justifier des atteintes aux droits et libertés garantis par la Constitution, à la condition qu’elles ne soient pas disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi.

Le Conseil relève que ces atteintes sont, selon lui, proportionnées aux motifs d’intérêt général recherchés par le législateur :

  • éviter un éparpillement des branches professionnelles afin d’assurer la clarté des obligations applicables aux employeurs ;
  • renforcer la qualité du dialogue social au niveau des branches professionnelles ;
  • permettre aux branches de disposer des moyens d’actions (notamment financiers) à l’échelle des missions qui leur sont confiées.

Il en conclut que le dispositif légal prévoit globalement des garanties suffisantes et que l’atteinte à la liberté contractuelle en matière de négociation collective n’est pas disproportionnée par rapport aux objectifs recherchés.

Les réserves du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel ne remet donc pas en cause le principe même de la restructuration des branches professionnelles qui va donc pouvoir se poursuivre.

Le Conseil constitutionnel formule toutefois 2 réserves, dont l’une mérite d’être relevée.Le dispositif légal prévoit qu’en cas d’échec des négociations d’harmonisation dans un délai de 5 ans à compter d’une fusion imposée par le Ministre du travail, les dispositions de la convention collective de rattachement  l’emportent et celles de la convention collective rattachée cessent de s’appliquer.

Le Conseil constitutionnel considère que les dispositions qui régissent des situations spécifiques, bien qu’elles trouvent leur source dans la convention collective de la branche rattachée, doivent continuer à recevoir application.

Le Conseil constitutionnel a formulé cette réserve dans le cadre d’une fusion administrée. Toutefois, les articles du Code du travail se rapportant à la fusion négociée étant rédigés de façon identique, il y a lieu de considérer que la solution consacrée par le Conseil constitutionnel doit aussi s’appliquer en cas de fusion négociée.