Que prévoient les projets d’ordonnances pour la sécurisation des transferts conventionnels au regard du principe d’égalité ? Décryptage par Jean-François Cesaro, Professeur à l’Université Panthéon Assas (Paris II) et membre du Conseil scientifique Capstan.
Dans certains secteurs (notamment le nettoyage ou le gardiennage), l’entreprise qui gagne un marché au détriment d’une autre est tenue par la convention de branche de reprendre une partie des salariés qui y étaient affectés.
La solution était généralement souhaitée par les salariés qui conservaient ainsi leur emploi et leur contrat de travail (celui-ci n’étant pas modifié).
La chambre sociale de la Cour de cassation a cependant mis en péril ce mécanisme en y appliquant le principe d’égalité : les salariés repris et ceux du repreneur pouvaient ainsi comparer leurs avantages respectifs et en réclamer le bénéfice. La solution était aussi généreuse que dangereuse. Un seul salarié repris pouvait ainsi “transmettre” à tous ceux du repreneurs les avantages dont il profitait.
La loi du 8 août 2016, dite loi El Khomri ou loi travail, avait proposé un dispositif législatif supposé neutraliser l’application du principe d’égalité dans le cas d’un transfert d’entreprise. Elle n’y était, hélas, pas parfaitement parvenue. En effet, elle ne “neutralisait” le principe d’égalité que sur “le site” où le marché était repris (C. trav. art. L. 1224-3-2) en conséquence, toute mutation d’un des salariés repris sur un autre “site” pouvait entraîner l’application du principe d’égalité.
La nouvelle disposition figurant dans l’ordonnance relative à la sécurisation simplifie la situation en supprimant la référence au site. Désormais, les salariés du nouveau prestataire ne peuvent invoquer les différences de rémunération résultant d’avantages obtenus avant le transfert, par les salariés qui sont repris. Le nouvel article L. 1224-3-2 du Code du travail sera rédigé ainsi :
“Lorsqu’un accord de branche étendu prévoit et organise la poursuite des contrats de travail en cas de succession d’entreprises dans l’exécution d’un marché, les salariés du nouveau prestataire ne peuvent invoquer utilement les différences de rémunération résultant d’avantages obtenus, avant le changement de prestataire, par les salariés dont les contrats de travail ont été poursuivis” (Projet d’ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, art. 37).
Il convient de noter que le principe d’égalité peut encore trouver application au profit des salariés repris qui peuvent réclamer tous les avantages qui s’appliquent dans l’entreprise qui poursuit leurs contrats.