Rupture

Un employeur est informé que des salariés échangent des messages au moyen de leur téléphone ou de leur PC professionnel. Les propos tenus sont inacceptables, par exemple en raison de leur caractère injurieux envers des collègues de travail ou l’entreprise. Mais sont-ils nécessairement sanctionnables ?

Distinction messages professionnels / personnels

Le droit admet que des messages adressés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel : en conséquence, l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé (Cass. soc., 26 juin 2012, n° 11-15310 ; à propos de SMS : Cass. com., 10 février 2015, n° 13-14779). Par exception, si ces messages ont été identifiés comme personnels ou privés, ils sont considérés comme des correspondances privées : dans ce cas, l’employeur ne peut pas les ouvrir (sauf autorisation préalable d’un juge saisi dans le cadre d’une procédure spécifique).

Les conséquences de cette distinction « professionnel / privé » sont lourdes :

  • le contenu d’une correspondance privée ne peut pas justifier une sanction disciplinaire ou un licenciement ;
  • produire en justice une correspondance privée du salarié constitue un mode de preuve illicite ;
  • prendre connaissance frauduleusement d’une correspondance privée constitue un délit (Code pénal, article 226-15).

Or pour bien maîtriser ces distinctions, il ne faut pas se limiter au matériel utilisé (le téléphone ou le PC), mais aussi prendre en compte le logiciel ou l’application ayant permis les échanges.

Application au cas d’une messagerie instantanée

Dans une affaire récemment jugée par la Cour de cassation (Cass. soc., 23 octobre 2019, n° 17-28448), c’est par la voie d’une messagerie « instantanée » installée par deux salariées sur leurs ordinateurs professionnels, qu’avaient été échangés les messages reprochés à l’une d’elle par l’employeur (propos personnels sur le temps de travail et transfert de documents confidentiels).

Le juge avait considéré que la production par l’employeur de ces messages instantanés constituait un mode de preuve illicite. La Cour de cassation valide ce raisonnement : les messages électroniques échangés au moyen d’une messagerie instantanée, provenant d’une boîte à lettre électronique personnelle distincte de la messagerie professionnelle dont la salariée disposait pour les besoins de son activité, étaient couverts par le secret des correspondances (précédent : Cass. soc., 26 janvier 2016, n° 14-15360).

Attention, cela ne signifie pas que la salariée n’avait pas commis de faute : elle avait installé une messagerie sur un outil professionnel et l’avait l’utilisé sur son temps de travail. Mais en l’occurrence l’employeur avait fondé la sanction sur le contenu-même des messages alors que celui-ci ne lui était pas accessible.

Dans un tel cas, la réponse disciplinaire ne doit donc pas se tromper de cible.

A noter : d’autres types d’application appellent la prise en compte d’autres critères : par exemple, concernant les propos tenus sur Facebook, il a été jugé que doivent être qualifiés de conversation privée les échanges qui n’ont été accessibles qu’à un groupe fermé de personnes agréées par le titulaire du compte et peu nombreuses (Cass. soc. 12 septembre 2018, n° 16-11690).