Statut collectif

Dans une décision QPC rendue ce 29 novembre, le Conseil constitutionnel censure la disposition permettant au ministre du travail de « fusionner plusieurs branches afin de renforcer la cohérence du champ d’application des conventions collectives ». Il juge que le législateur n’a pas déterminé au regard de quels critères cette cohérence pourrait être appréciée et qu’il a ainsi laissé à l’autorité ministérielle une latitude excessive dans l’appréciation des motifs susceptibles de justifier la fusion. Le législateur a, ce faisant, méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant la liberté contractuelle.

S’agissant des effets de la restructuration sur les stipulations de la convention collective de la branche rattachée, le Conseil constitutionnel juge que le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789.

Il constate qu’une atteinte est portée à ces exigences constitutionnelles par les dispositions mettant fin de plein droit à l’application de la convention collective de la branche rattachée à défaut de conclusion d’un accord de remplacement dans le délai de cinq ans suivant la date d’effet de la fusion.

Selon le Conseil, cependant, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu, en cas d’absence ou d’échec de la négociation collective, assurer l’effectivité de la fusion, en soumettant les salariés et les entreprises de la nouvelle branche à un statut conventionnel unifié. Dès lors, et compte tenu de l’objectif d’intérêt général précédemment évoqué, la privation d’effet des stipulations de la convention collective de la branche rattachée qui régissent, non des situations propres à cette branche, mais des situations équivalentes à celles régies par la convention collective de la branche de rattachement, ne méconnaît pas le droit au maintien des conventions légalement conclues.

En revanche, par une première réserve d’interprétation, le Conseil constitutionnel juge que ces mêmes dispositions ne sauraient, sans porter une atteinte excessive au droit au maintien des conventions légalement conclues, mettre fin de plein droit à l’application des stipulations de la convention collective de la branche rattachée qui régissent des situations spécifiques à cette branche.

S’agissant, enfin, des effets de la restructuration des branches sur la représentativité des partenaires sociaux, le Conseil constitutionnel relève que le fait de priver les organisations syndicales de salariés représentatives dans les anciennes branches de la possibilité de signer l’accord de remplacement ou une nouvelle convention de branche lorsqu’elles ont perdu leur représentativité dans la nouvelle branche ne méconnaît pas la liberté contractuelle et le droit au maintien des conventions légalement conclues. Il en va de même, en cas de perte de représentativité, de la faculté pour les organisations professionnelles d’employeurs de s’opposer à l’extension de l’accord de remplacement.

En revanche, dans le cas particulier où les organisations représentatives dans chacune des branches fusionnées ont, dans le délai de cinq ans, entamé la négociation de l’accord de remplacement avant la mesure de l’audience suivant la fusion, les dispositions contestées pourraient aboutir, si ces organisations ne satisfaisaient plus aux critères de représentativité à l’issue de la nouvelle mesure de l’audience, à les exclure de la négociation alors en cours. Par une seconde réserve d’interprétation, le Conseil juge, par conséquent, que ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître la liberté contractuelle, être interprétées comme privant les organisations d’employeurs et de salariés, en cas de perte de leur caractère représentatif à l’échelle de la nouvelle branche à l’issue de la mesure de l’audience suivant la fusion, de la possibilité de continuer à participer aux discussions relatives à l’accord de remplacement, à l’exclusion de la faculté de signer cet accord, de s’y opposer ou de s’opposer à son éventuelle extension.

Au total, la décisiondu Conseil constitutionnel censure la disposition permettant de fusionner des branches professionnelles en vue de « renforcer la cohérence du champ d’application des conventions collectives » et, sous les deux réserves d’interprétation qui viennent d’être exposées, déclare conforme à la Constitution le reste des dispositions contestées.

(Source : Communiqué du Conseil Constitutionnel)