Contrat de travail

Les questions relatives à l’inaptitude sont nombreuses et sources d’insécurité juridique pour les employeurs. Que prévoit le projet d’ordonnance relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail en la matière ? Matthieu Babin, Avocat, fait le point.

Reclassement

Le projet d’ordonnance relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail (article 7) apporte une précision identique aux deux articles du Code du travail relatifs à l’obligation de reclassement pesant sur l’employeur en cas d’inaptitude (articles L. 1226-2 pour l’inaptitude d’origine non professionnelle, et L. 1226-10 pour l’inaptitude d’origine professionnelle) : l’employeur propose un emploi approprié « au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel [alinéa 1]. Le groupe est défini conformément au I de l’article L. 2331-1 [alinéa 2]. »

Il est ainsi fait un « tri » entre certaines positions jusqu’alors adoptées par la jurisprudence.

Le projet d’ordonnance confirme que l’obligation de reclassement s’étend au groupe auquel appartient l’entreprise.

Mais alors que la jurisprudence adoptait une interprétation large de la notion de groupe (réseau de distribution, groupements de franchisés, réseau ou fédération d’associations, …), le projet d’ordonnance limite la notion de groupe à celle qui est retenue par le Code de commerce (article L. 233-1, I et II de l’article L. 233-3 et article L. 233-16).

Dans ce cadre, le périmètre de l’obligation de reclassement est encore doublement limité puisque seules sont visées les entreprises du groupe qui remplissent deux conditions : elles sont situées sur le territoire national et leur organisation, leurs activités ou leur lieu d’exploitation « assurent la permutation de tout ou partie du personnel ». Est clairement abandonné le principe selon lequel l’obligation de reclassement s’étend aux postes disponibles à l’étranger. Quant à la condition liée à la permutation, là où en jurisprudence elle venait tempérer la définition extensive du groupe, ici elle vient limiter davantage la définition stricte du groupe.

Contestation des avis du médecin du travail

Le projet d’ordonnance (article 8) modifie l’article L. 4624-7 du Code du travail relatif à la contestation des avis du médecin du travail (Cf. M. Babin, « La contestation des avis du médecin du travail devant le conseil de prud’hommes », JCP S, 2017, n° 17, 1139 ; et sur le décret n° 2017-1008, JCP S, 2017, n° 20-21, p. 5).

La compétence pour connaître de ces contestations reste à la formation de référé du Conseil de prud’hommes, mais l’économie du dispositif semble grandement modifiée.  

Auparavant, le texte prévoyait que l’action de l’employeur ou du salarié visait à faire désigner un médecin-expert, et que dans ce cadre la formation de référé pouvait charger le médecin-inspecteur du travail d’une « consultation » (seulement après avoir désigné le médecin-expert, précision apportée par le décret n°2017-1008).

Désormais il n’est plus fait référence à la désignation d’un médecin expert, et le texte semble plutôt organiser un débat contradictoire entre les parties (employeur et salarié) sur la base des avis rendus par le médecin-inspecteur du travail et le ou les médecins désignés par les parties :

  • La formation de référé peut confier toute mesure d’instruction au médecin-inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence.
  • Le médecin-inspecteur du travail peut, le cas échéant, s’adjoindre le concours de tiers.
  • A la demande de l’employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail peuvent être notifiés au médecin que l’employeur mandate à cet effet. Le salarié est informé de cette notification. A noter : le droit prévoit déjà que le salarié a accès à son dossier médical en santé au travail, à tout moment, directement ou via le médecin de son choix (Code du travail, article L. 4624-8).

Les honoraires et frais liés à la mesure d’instruction seront réglés d’après un tarif qui sera fixé par un arrêté conjoint du ministre du travail et du ministre du budget.

A noter :

  1. la contestation des éléments non-médicaux des avis demeure ignorée par les textes (sur ce point, cf. M. Babin, article précité).
  2. le projet d’ordonnance n’apporte aucune précision concernant des problèmes pratiques aussi complexes et récurrents pour les entreprises que :
  • le traitement de l’aptitude partielle, notamment en cas d’incompatibilité entre l’avis du médecin du travail et la nature du poste, ou en cas d’impossibilité pour l’employeur de mettre en œuvre l’avis du médecin du travail …
  • le sort du contrat de travail entre la fin de l’arrêt de travail et la visite de reprise : suspension du contrat de travail, faculté pour le salarié de reprendre ou non ?, possibilité pour l’employeur de faire reprendre ou non ?, question du salaire, etc…