Statut collectif

A la faveur du projet de loi d’habilitation, une organisation patronale demande au gouvernement de revoir le dialogue social applicable dans les TPE-PME dépourvues de délégué syndical, décryptage par Frédéric Aknin, Associé Capstan Avocats.

Par principe, la négociation collective dans l’entreprise relève de la compétence des organisations syndicales représentatives. La Loi Travail a renforcé la légitimité syndicale des signataires en conditionnant la validité des accords à une majorité d’adhésion (article L.2232-12 du code du travail). A défaut, dès lors que les syndicats signataires représentatifs recueillent plus de 30 % des suffrages exprimés, le législateur prévoit une possibilité de ratification (référendum) par les salariés. Rappelons que ces dispositions entrent en vigueur progressivement, à savoir dès la publication de la loi, soit le 9 août 2016 pour les accords de préservation ou de développement de l’emploi, au 1ier janvier 2017 pour les accords portant sur la durée du travail, les repos et les congés et au 1ier septembre 2019 pour les autres accords collectifs.

Toutefois, la négociation dans l’entreprise, notamment pour la fixation d’avantages ou de garanties collectives, n’est pas exclusivement réservée aux organisations syndicales. La loi admet d’autres modes alternatifs de conclusions d’accords, de types dérogatoires, notamment en matière d’épargne salariale ou de protection sociale complémentaire. Sont ainsi prévus, l’accord conclu au sein du comité d’entreprise, la ratification par le personnel d’un projet d’accord (à la majorité simple ou des 2/3 selon les cas), voire même la décision unilatérale du chef d’entreprise.

Enfin, en l’absence de délégué syndical, de multiples lois successives essaiment depuis près de 20 ans, pour tenter d’organiser le dialogue social, en prévoyant notamment le recours à la négociation avec un salarié, élu ou non, mandaté par un syndicat. La dernière réforme du « mandatement » est issue de la Loi Travail.

Ces lois ont pour le moment toutes échoué à développer le dialogue social dans les TPE/PME, pour une raison essentielle qui tient à ce qu’elles ne sont pas adaptées à la configuration de ces entreprises. Là où la simplicité aurait permis des avancées significatives, la complexité des négociations dérogatoires a un impact dissuasif évident (différents interlocuteurs selon que l’entreprise a ou non des élus, parfois ratification par le personnel, d’autres fois validation par la branche, parfois encore négociations limitées à certains thèmes, d’autres fois négociations généralisée à tous les thèmes…).

Ces lois ont, en outre, largement échoué en raison du caractère tout à fait inapproprié et largement illégitime du mandatement syndical. C’est à juste titre que leurs contempteurs dénoncent à la faveur du mandatement l’appropriation, par un syndicat non présent dans l’entreprise et a fortiori non représentatif, des thèmes du droit du travail intéressant directement les salariés de l’entreprise. La discordance avec le principe de représentativité et d’audience syndicale internes à l’entreprise, réaffirmé avec force par la Loi Travail paraît ici manifeste.

Aujourd’hui, en l’absence d’organisation syndicale dans l’entreprise, une organisation patronale en appelle au gouvernement pour que soit généralisée la négociation d’un accord collectif avec les représentants du personnel élus ratifié ensuite par référendum, quitte à promouvoir les élections professionnelles au sein d’entreprises qui n’y sont pas juridiquement tenues.

Nous l’avons observé plus haut, le référendum est déjà utilisé, avec succès, en droit du travail pour ratifier certains types d’accord, tout comme la négociation avec le comité d’entreprise.

En revanche, il n’est pas certain qu’il faille promouvoir la tenue d’élections professionnelles dans les entreprises de moins de 11 salariés. Pour celles-ci, en l’absence de syndicats présents et de représentants élus, la voie du référendum doit être privilégiée.

A cet égard, nous entendons déjà les défenseurs du mandatement brandir le spectre de telle ou telle Convention OIT, certaines ratifiées par la France (telle la n°135) et d’autres pas (telle la n°154), dont certains commentaires tendent à affirmer, souvent avec quelques excès, la nécessaire protection syndicale en matière de négociation conventionnelle. Ces références seront évidemment écartées en matière de dialogue social dans les TPE/PME, dès lors que le postulat est l’absence de présence syndicale dans l’entreprise. A ce titre, aucun texte supranational ou de quelque nature que ce soit, n’a vocation à imposer l’intrusion syndicale, au mépris de toute représentativité ou audience, dans une entreprise où, justement, la présence syndicale n’existe pas.

La voie du référendum ou la conclusion d’un accord collectif avec les représentants élus, s’ils existent, constitue là le vœu d’un dispositif simple, qui sied pleinement aux TPE/PME dépourvues d’organisations syndicales et qui leur permettrait, enfin, de négocier sur des thèmes majeurs pour leur compétitivité, telles la durée du travail ou la rémunération et de mettre en œuvre des mesures répondant aux besoins concrets de l’entreprise, ce que ne permet pas toujours l’application directe d’une convention collective de branche.