Statut collectif

L’abrogation de dispositions législatives créant la possibilité d’une prime conventionnelle assortie d’un mécanisme de déductions de charges sociales rend elle caduc de plein droit l’accord collectif instituant ladite prime ?

C’est la question, très débattue en doctrine, des situations de caducité d’un accord collectif qui était posée par un pourvoi formé devat la cour de cassation.

Un accord collectif avait été signé au sein d’une société, intitulé “accord sur la prime de partage des profits”, en application expresse d’une loi du 28 juillet 2011 (loi de finances n° 2011-894 du 28 juillet 2011), instaurant une prime de partage obligatoire des profits dans les entreprises d’au moins cinquante salariés. L’accord collectif prévoyait le montant de la prime, les bénéficiaires, le fait que la prime était exonérée de cotisations en application de la loi précitée, et était conclu pour une durée indéterminée.

La loi de financement de la sécurité sociale du 22 décembre 2014 (n° 2014-1554) ayant abrogé la disposition légale instituant la prime de partage des profits obligatoire, l’employeur estimait que l’accord était devenu caduc de droit.

La chambre sociale n’a eu que très rarement l’occasion de se prononcer sur la question de la caducité d’un accord collectif.

Elle a clairement écarté toute invocation de la caducité d’un accord lorsque l’événement invoqué résulte de la mise en oeuvre d’une décision unilatérale de l’employeur (Soc. 28 janvier 2015, n°14-14.935 : décision de réorganisation de l’entreprise qui, selon l’employeur, rendait de fait caduc un accord sur les périmètres de l’entreprise).

En revanche, elle a, par un arrêt du 17 juin 2003 publié au rapport annuel (n°01-15.710, Bull. civ. V, n°198), admis la caducité d’un accord collectif en raison de la perte de son objet :

Mais attendu qu’ayant relevé que la réduction d’horaire convenue dans le cadre de l’accord collectif conclu en application de la loi du 11 juin 1996 avec le précédent employeur tendait à favoriser la création d’emplois et que cet accord n’avait plus d’objet dès lors que le plan de cession arrêté par le tribunal de commerce prévoyait des licenciements et entraînait en conséquence la disparition des aides publiques, la cour d’appel en a exactement déduit que cet accord collectif était devenu caduc ;

On le constate, dans l’hypothèse ayant donné lieu à l’arrêt du 17 juin 2003, l’accord collectif ne pouvait plus s’appliquer puisqu’il n’avait de raison d’être que pour favoriser la création d’emploi, alors que le plan de cession intervenu par la suite ne prévoyait que des licenciements.

De fait, en vertu de l’article 1186 du code civil, un contrat n’est caduc que lorsque son exécution est devenue impossible du fait de la disparition d’un de ses éléments essentiels.

Or, l’espèce, l’exécution de l’accord collectif n’avait rien d’impossible. En effet, l’accord collectif ne perdait pas son objet, puisque la prime de partage des profits pouvait continuer à exister et à être versée, peu important l’absence de dispositions législatives impératives en ce sens, et même si les conditions de versement étaient rendues plus onéreuses du fait de la disparition des allégements sociaux et fiscaux. La disparition de la raison pour laquelle l’employeur avait signé l’accord collectif ne suffisait pas à mettre fin à cet accord.

Dès lors, la chambre sociale a considéré qu’en l’absence de dénonciation, l’accord, à durée indéterminée, n’était pas caduc et devait continuer à recevoir effet.

Cet arrêt confirme donc qu’un accord peut devenir caduc, mais qu’il ne suffit pas que son exécution soit devenue plus onéreuse notamment en raison de l’abrogation d’un texte légal qui avait imposé une prime et un système d’exonération de charges.

Cass. soc., 26 juin 2019, n°17-28.287, FS-P+B+R+I

Source : note explicative de la Cour de cassation