Contentieux

Depuis les « Ordonnances Macron », en vertu de l’article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié est sans cause réelle et sérieuse, le juge lui octroie une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par la loi.

Ce barème forfaitaire d’indemnisation, surnommé désormais « barème Macron », est fortement chahuté et son application a posé, ces derniers mois, des difficultés aux juges du fond.

D’anciens salariés contestant leur licenciement ont prétendu que ces dispositions légales ne leur seraient pas opposables au motif qu’elles méconnaitraient des textes supranationaux (Convention n°158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), Charte sociale européenne et Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme) en ne permettant pas au Juge de leur octroyer une réparation appropriée.

Plusieurs Conseils de prud’hommes ont accueilli ces arguments et refusé d’appliquer le barème d’indemnisation, octroyant aux salariés des indemnités supérieures aux montants maximaux légaux (par exemple, Conseils de prud’hommes de Troyes, d’Amiens, de Lyon, d’Angers, de Grenoble, d’Agen et de Bordeaux). D’autres Conseils de prud’hommes ont rejeté ces arguments et appliqué le barème légal (par exemple, Conseils de prud’hommes du Mans, de Caen, du Havre, de Tours, de Grenoble et de Paris).

A la suite de ces décisions, plusieurs Cours d’appel ont été saisies de la question de la conventionnalité du barème d’indemnisation, leurs arrêts ne sont toutefois pas attendus avant l’été 2019.

En cas de pourvoi à l’encontre de ces arrêts d’appel, la Cour de cassation ne devrait pas rendre de décision, pour les prévisions les plus optimistes, avant 2020.

C’est sans compter sur le Conseil de prud’hommes de Louviers !

En effet, par jugement du 10 avril 2019, dans le cadre d’un contentieux de requalification de CDD en CDI, la formation de départage du Conseil de prud’hommes de Louviers a sollicité l’avis de la Cour de cassation avant de rendre sa décision sur le montant des indemnités susceptibles d’être octroyées au salarié requérant (décision à télécharger ci-dessous).

Qu’est-ce qu’une saisine pour avis ?

« Au cours d’une procédure, il arrive que le juge d’un tribunal ou d’une cour d’appel soit confronté à une question de droit nouvelle qui pose une difficulté d’interprétation particulière. Il peut alors, avant de rendre sa décision, demander à la juridiction suprême de lui apporter un éclairage : on dit que le juge saisit la Cour de cassation pour avis.

Pour qu’une demande d’avis puisse être soumise à la Cour de cassation, la question posée par le juge doit, notamment : être nouvelle ; être de pur droit ; présenter une difficulté sérieuse ; se poser dans de nombreux litiges. »

Source : courdecassation.fr

Pour justifier cette saisine pour avis de la Cour de cassation, le juge départiteur et les quatre conseillers prud’homaux siégeant avec lui ont en effet considéré que la question de la compatibilité de l’article L. 1235-3 du code du travail avec les textes internationaux précités est une question nouvelle, de pur droit, qui présente une difficulté sérieuse au regard des nombreuses décisions judiciaires contradictoires rendues en la matière depuis quelques mois et qui se pose dans de nombreux litiges faisant suite à un licenciement injustifié du salarié.

La Cour de cassation a donc l’occasion de rendre un avis sur cette question plus tôt qu’attendu et trancher un débat désormais passionné mais source d’insécurité juridique (et financière).

Elle pourrait toutefois rejeter ce recours pour différents motifs de forme ou de fond, laissant alors entières ces difficultés.

Le suspense reste entier.

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