Les conditions pour que la contribution patronale qui finance le régime frais de santé des salariés bénéficie de l’exonération des charges sociales sont désormais bien connues ; le régime doit :
- être mis en place par un accord collectif de branche ou d’entreprise, par un accord de l’employeur adopté par référendum ou encore par décision unilatérale de l’employeur ;
- respecter le cahier des charges du contrat responsable défini à l’article L. 871-1 du Code de la sécurité sociale ;
- être collectif c’est-à-dire s’appliquer à l’ensemble des salariés de l’entreprise ;
- être obligatoire, ce qui signifie que tous les salariés doivent adhérer hormis s’ils justifient d’une dispense d’adhésion.
APPRECIATION DU CARACTERE OBLIGATOIRE DU REGIME
Plusieurs circulaires administratives ont précisé que le caractère obligatoire du régime s’appréciait uniquement au regard de la couverture des salariés. Par conséquent, il semblait acquis que la couverture facultative des ayants droit ne remettait pas en cause le bénéfice des exonérations des charges sociales pour la contribution patronale au bénéfice du salarié. En revanche, la contribution patronale au bénéfice des ayants droit devait être soumise à charges sociales lorsqu’ils n’étaient pas obligatoirement affiliés au régime.
Ce principe était bien établi depuis une circulaire du 25 août 2005, réitéré par une circulaire du 30 janvier 2009 et en dernier lieu, il avait été confirmé par une circulaire Ministérielle du 25 septembre 2013.
Or, c’était sans compter sur la capacité créatrice de la Cour de cassation, qui n’hésite pas à remettre en cause cette position administrative établie de longue date et régulièrement publiée.
LE CARACTERE OBLIGATOIRE INCOMPATIBLE AVEC LA COUVERTURE FACULTATIVE DES AYANTS DROIT ?
Par un arrêt en date du 20 décembre 2018 (arrêt n° 17-26.958 F-PB), elle juge que la contribution de l’employeur finançant le régime frais de santé doit être soumise à cotisations de sécurité sociale en totalité et non uniquement pour la seule part au profit des ayants droit au motif que l’adhésion facultative de ces derniers prive le régime du caractère collectif et obligatoire.
En l’espèce, un accord collectif d’entreprise avait instauré pour 2008 et 2009 une couverture complémentaire frais de santé au profit de l’ensemble des salariés, de leurs conjoint et enfants à charge. Seuls les salariés étaient couverts à titre obligatoire à ce régime. Le régime était financé par une cotisation globale unique (cotisation famille).
Devant la Cour d’appel, l’entreprise avait fait valoir qu’en application des dispositions de l’article L 243-6-2 du Code de la sécurité sociale, un redressement ne peut être opéré lorsqu’il remet en cause une pratique admise par une circulaire du ministre chargé de la sécurité sociale régulièrement publiée. La Cour d’appel avait annulé le redressement au motif que seule la part de la cotisation patronale au profit des ayants droit devait être soumise à charges sociales.
La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel au motif que l’adhésion facultative des ayants droit au régime prive celui-ci de caractère obligatoire et justifie la réintégration dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale de la contribution patronale pour l’ensemble des bénéficiaires.
Cette décision est contraire à la position actée, à plusieurs reprises, par plusieurs circulaires ministérielles régulièrement publiées (…)
Cette décision est scandaleuse car elle est contraire à la position actée, à plusieurs reprises, par plusieurs circulaires ministérielles régulièrement publiées et qui selon l’article L. 243-6-2 du Code de la sécurité sociale s’imposent à l’URSSAF.
Il aurait pu être compréhensible que la Cour de cassation valide le redressement URSSAF au motif que la cotisation globale ne permettait pas de différencier la part acquittée au bénéfice du salarié de celle des ayants droit. Cependant, la motivation retenue par la Cour est plus générale et semble remettre en cause le caractère obligatoire du régime sur la base du seul constat du caractère facultatif de l’adhésion des ayants droit.
QUELLES CONSEQUENCES ?
La question se pose donc de savoir s’il est toujours possible d’instaurer des régimes frais de santé prévoyant l’adhésion facultative des ayants droit.
Il est certain qu’il convient de proscrire le recours à une cotisation globale (salarié et ayants droit) dans cette hypothèse de manière à pouvoir opérer une distinction entre la cotisation patronale au bénéfice des seuls salariés dont l’affiliation est obligatoire et la cotisation patronale au bénéfice des ayants droit dont l’adhésion est facultative et qui doit être intégrée dans l’assiette des charges sociales.
En tout état de cause, à titre de précaution et dans l’attente d’une clarification sur la portée de l’arrêt du 20 décembre 2018, il est conseillé que les régimes de frais de santé ne traitent que de la couverture des salariés à l’exclusion des ayants droit ou de rendre obligatoire l’affiliation des ayants droit au régime lorsque l’employeur finance une partie de leur cotisation.
Cette décision s’inscrit dans la même lignée que l’arrêt du 14 mars 2019 qui impose d’acter toute évolution du régime dans la DUE y compris lorsqu’elle concerne une diminution du taux de cotisation. En effet, la Cour de cassation a une appréciation extrêmement rigoureuse des conditions requises pour que les régimes frais de santé ouvrent droit aux exonérations de charges sociales. Les entreprises doivent donc faire preuve d’une grande vigilance lors de la mise en place des régimes ou encore de leur modification.