Protection sociale

Les régimes de protection sociale complémentaire, dont ceux relatifs aux frais de santé, doivent être mis en place selon l’une des modalités définies par l’article L. 911-1 du Code de la sécurité sociale. Il s’agira donc :

  • d’un accord collectif,
  • ou de ratification majoritaire des salariés par voie de référendum d’un projet d’accord proposé par l’employeur,
  • ou bien encore d’une décision unilatérale de l’employeur, constatée dans un écrit remis à chaque intéressé (dont il faut naturellement être en capacité de prouver la remise effective).

Cette exigence, parmi d’autres, conditionne l’exonération sociale de la part patronale de cotisation liée au régime en cause.

La mise en place par décision unilatérale… et après ?

Lorsque le régime de frais de santé est mis en place par voie de décision unilatérale, l’écrit de l’employeur aborde nécessairement la question de son financement : cotisation globale, répartition entre part patronale et part salariale … mais omet régulièrement de s’intéresser aux évolutions futures qu’il pourrait connaître. Il est pourtant courant de relever, au fil du temps, des changements dans le montant global de la cotisation et/ou dans sa répartition entre l’employeur et le salarié, peu important ici l’origine de ces évolutions. Elles peuvent en effet être à l’initiative de l’assureur (hausse de cotisation liée à la sinistralité du régime notamment) ou de l’employeur, à la faveur d’une renégociation ou d’un changement d’organisme assureur.

Une discordance entre le financement du régime initialement défini dans la décision unilatérale et celui qui est effectivement pratiqué expose l’entreprise à un risque lourd.

Cette situation, qui aboutit dans les faits à une discordance entre le financement du régime initialement défini dans la décision unilatérale et celui qui est effectivement pratiqué, expose l’entreprise à un risque lourd. En effet, elle peut entraîner la réintégration dans l’assiette des cotisations sociales du financement patronal au régime. En d’autres termes, le financement patronal sera traité comme un élément de salaire, et assujetti à ce titre à l’ensemble des cotisations et contributions définies par la règlementation.

Des évolutions mal formalisées : un risque lourd

Telle est la solution adoptée par la Cour de cassation dans un arrêt récent (Cass. soc., 14 mars 2019, n° 18-12.180), rendu de surcroit dans le contexte particulier d’une baisse des cotisations. Ainsi, la décision unilatérale fixait initialement la cotisation due par un salarié isolé à 67 €, répartis à hauteur de 48 € et de 19 €, respectivement pour la part patronale et la part salariale. A la suite d’une renégociation avec l’assureur survenue 4 ans après la mise en place du régime, la cotisation globale a été réduite à 54,82 €, ventilés à raison de 45 € supportés par l’employeur et 9,82 € par le salarié.

L’entreprise a régulièrement informé et consulté le comité d’entreprise sur ces évolutions, qui ont ensuite été portées à la connaissance du personnel par voie d’affichage …  et non « dans un écrit remis à chaque intéressé » pour reprendre la terminologie de l’article L. 911-1. La Cour de cassation, après avoir souligné que « la modification de la répartition du financement entre l’employeur et le salarié [n’avait] pas été portée à la connaissance de chacun des salariés selon les modalités définies par l’article L 911-1 », en déduit que « la société ne pouvait pas prétendre à la déduction de sa contribution au financement de ce régime de l’assiette des cotisations. »

Compte tenu de la généralisation des régimes de frais de santé, cette alerte doit conduire à une particulière vigilance afin d’anticiper les évolutions possibles de leur financement.

Quelles solutions ?

On pourrait songer à introduire, dans la décision unilatérale fondatrice, une clause prévoyant que la cotisation initiale et/ou sa répartition pourront évoluer dans une mesure qu’il convient de définir précisément, sans qu’il ne soit alors besoin de procéder à une nouvelle décision unilatérale modificative. Soulignons cependant que la Cour de cassation, à notre connaissance, ne s’est pas encore prononcée sur la validité des variations de cotisation intervenues en application de ce type de clause.

A défaut, ou par souci de sécurité, toute variation – même minime – de la cotisation globale et/ou de sa répartition entre part patronale et part salariale devra donner lieu à révision de la décision unilatérale initiale, dans le strict respect du formalisme défini par l’article L. 911-1 du Code de la sécurité sociale.