Rupture

La RCC a senti passer le vent du boulet et ne doit son salut qu’à la sagesse des magistrats de la Cour administrative d’appel de Versailles qui n’ont pas suivi les conclusions du rapporteur public (CAA Versailles, 4ème Chambre,14 mars 2019, nº 18VE04158, à télécharger ci-dessous).

Mais, au-delà du constat de voir une (autre) des mesures phares issues des ordonnances MACRON être sérieusement tancée, il conviendra de tirer les conséquences de la décision rendue par le juge administratif de Versailles.

Deux séries de griefs étaient soulevés à l’appui de la demande d’annulation de la décision de validation de l’accord portant RCC par la DIRECCTE :

  1. Il était reproché à l’administration de ne pas avoir contrôlé la régularité de la consultation préalable des IRP (CE, CHSCT) sur le projet économique et son impact sur les conditions de travail,
  2. Il était reproché un contournement des règles applicables en matière de PSE, au motif que le projet portant RCC avait une cause économique et que toute suppression contrainte de poste n’était pas exclue par l’accord.

La loi……rien que la loi

Logiquement, la première série de griefs a été rejetée par la Cour. Le contrôle opéré par l’administration, dans le cadre de la validation de l’accord RCC est encadré par la loi. Selon l’article L. 1237-19-3 du Code du travail, la DIRECCTE doit vérifier la conformité de l’accord, son contenu et la régularité de la procédure d’information du CSE. En ce sens, l’article L. 1237-19-1 prévoit que l’accord portant RCC détermine « les modalités et conditions d’information du CSE ». En revanche, l’accord n’est soumis (i) ni à la consultation du CSE, (ii) ni à celle du CHSCT.

La loi exclut donc logiquement du pouvoir de contrôle de l’administration la réalité d’une éventuelle consultation préalable des CSE et CHSCT. Si ces questions peuvent être posées, elles échappent aux prérogatives de l’administration.

Des suppressions de postes pour motif économique ? Et pourquoi pas…

Les requérants reprochaient encore à la DIRECCTE d’avoir validé l’accord RCC, alors que la société justifiait les suppressions de postes par un motif économique. En réalité, un tel projet reposera toujours plus ou moins sur un motif économique, en tout état de cause non lié à la personne du salarié. A cet égard, la RCC constitue un outil négocié d’anticipation, « à froid », dont le motif de recours importe peu dès lors qu’il n’est pas discriminant et n’élude pas la condition essentielle qu’est l’engagement de l’employeur à ne procéder à aucun licenciement. Ainsi, fort logiquement, la Cour juge que : « A supposer que les suppressions de postes envisagées dans le cadre de l’accord collectif reposent sur un motif économique, cette circonstance ne fait pas obstacle à la mise en œuvre d’une RCC ».

Mais de licenciement contraint il n’y aura pas… voilà l’engagement !

La condition essentielle prévalant à la licéité d’un accord portant RCC, est prévue par l’article L. 1237-19 du Code du travail qui prévoit qu’ : « Un accord collectif peut déterminer le contenu d’une RCC excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d’emplois ». L’engagement de ne procéder à aucun licenciement contraint est donc obligatoire pour recourir à la RCC.

Or, dans l’affaire soumise à la Cour administrative d’appel de Versailles, cet engagement pouvait être discuté. Il était pris pour une durée de 12 mois, alors même que la période de validité de l’accord était de 15 mois. Il restait donc trois mois « flottants », au cours desquels l’engagement de ne pas procéder à des licenciements contraints pouvait ne pas apparaître clairement. Le Rapporteur Public concluait de ce fait à l’illicéité de l’accord. Toutefois, il n’a pas été suivi par la Cour, celle-ci considérant notamment que, dans les faits, aucun licenciement ne serait prononcé puisque le nombre de candidats au départ était largement supérieur au nombre de postes supprimés.

La RCC passe l’étape des juges du fond… en attendant le Conseil d’Etat ?

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