Protection sociale

La problématique entraînée par la fusion des régimes AGIRC-ARRCO

Rappel préalable – Pour bénéficier du régime social de faveur prévu par la loi, les régimes de prévoyance et de retraite supplémentaire doivent répondre à plusieurs conditions de forme et de fond, dont celle de présenter un caractère collectif : le régime mis en place doit bénéficier à l’ensemble des salariés ou à une catégorie objective de personnel.

Parmi les critères permettant de définir une catégorie objective, figurent ceux de l’appartenance (ou non) aux catégories de cadres et de non cadres résultant des articles 4, 4 bis et 36 de la convention AGIRC, ou encore des tranches de rémunération définies par les conventions AGIRC et ARRCO.

Or, les régimes de retraite complémentaire ARRCO et AGIRC ont fusionné le 1er janvier 2019.

Dans ce contexte, les critères d’adhésion relatifs aux tranches de rémunération définies par l’AGIRC ou par l’ARRCO, ou à l’appartenance (ou non) aux catégories de cadres et de non cadres résultant des articles 4, 4 bis et 36 de la convention AGIRC sont devenus des références sans assise juridique… ce qui aurait pu inciter les Urssaf à réintégrer dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale l’ensemble des contributions patronales finançant, depuis le 1er janvier 2019, des régimes qui ont maintenu ces critères d’adhésion.

Une étape vers la sécurisation des régimes

Cette incertitude était évidemment source d’insécurité juridique. La Direction de la Sécurité Sociale a pris position sur cette question, dans un courrier adressé à l’Acoss le 25 février dernier. Il est précisé que l’utilisation de ces critères continue de satisfaire aux règles fixées pour apprécier le caractère collectif des régimes mis en place. La DSS va jusqu’à y préciser que les régimes qui prévoiraient comme critère d’adhésion l’affiliation ou non d’un salarié à l’AGIRC, seraient préservés (alors que plus aucun salarié n’est affilié, depuis le 1er janvier 2019, à l’AGIRC !).

La valeur juridique de ce document peut encore être contestée. Il est toutefois probable qu’il sera respecté et appliqué par les Urssaf et que, à défaut, les juridictions qui seraient éventuellement saisies à l’avenir d’un redressement sur ces fondements, l’opposeront aux organismes de recouvrement.

Pour autant, ce courrier ne règle pas toutes les difficultés.

Les difficultés restantes

En effet, en premier lieu, la rédaction même de ce courrier appelle quelques observations : notamment, il n’y est fait état (mais cela doit être une simple erreur) que des régimes de retraite supplémentaire, et non des régimes de prévoyance…

En outre, et malgré ce courrier, comment les entreprises pourront-elles continuer à appliquer des régimes dont le critère est celui de l’adhésion à l’AGIRC, à plus forte raison pour les salariés engagés depuis le 1er janvier 2019, alors qu’il n’y a plus d’adhésion à l’AGIRC ?

A ce titre, la question se pose de la sécurisation, en droit du travail et non plus en droit de la sécurité sociale, des régimes : comment justifier, socialement et au regard de l’égalité de traitement imposée par le droit du travail, le maintien d’avantages catégoriels qui ne reposent plus sur aucun fondement juridique ?

Comment justifier, socialement et au regard de l’égalité de traitement, le maintien d’avantages catégoriels qui ne reposent plus sur aucun fondement juridique ?

Certes, sur ce dernier point, la Cour de cassation a réglé la problématique de l’égalité de traitement en matière de prévoyance, en la limitant au périmètre d’une même catégorie professionnelle. Il faut désormais espérer que la jurisprudence reste stable…

S’ajoutent, à ces difficultés, celle de réformes à venir qui impacteront de nouveau la protection sociale complémentaire. Tel est le cas du projet de loi PACTE, dont certaines dispositions imposeront de redéfinir la notion de catégorie objective de personnel, et mettront par ailleurs fin à certains régimes de retraite supplémentaire à prestations définies.

Par conséquent, au regard de ces incertitudes, si une réforme des régimes actuels n’est plus prioritaire, il reste urgent pour les entreprises d’ouvrir le chantier de la protection sociale complémentaire, pour commencer dès à présent à redéfinir la place, le sens et les modalités de cet élément désormais essentiel de toute politique sociale et de rémunération.