Contrat de travail

La fête de la Saint Valentin à peine passée, il n’est pas inutile de se rappeler que l’entreprise serait le lieu de rencontre de 25 % à 30 % des couples, de sorte que le droit du travail peut être parfois – n’ayons pas peur des mots – confronté aux manifestations du sentiment amoureux. Même si la règlementation n’aborde pas directement ce sujet sensible, elle permet malgré tout de poser quelques principes.

Chaque salarié a droit au respect de sa vie privée

Il s’agit tout d’abord d’un domaine dans lequel l’employeur sera relativement absent, au moins dans un premier temps. Chaque salarié a droit au respect de sa vie privée, de sorte que l’entreprise ne peut interdire les relations ou le mariage entre collaborateurs : toute restriction dans ce domaine, qu’elle résulte du règlement intérieur ou du contrat de travail, serait assurément vouée à l’échec. Son retrait du règlement intérieur serait en effet exigé par l’autorité administrative dans le premier cas, tandis que la clause serait de nul effet dans le second, la nullité s’étendant à toute mesure prise sur son fondement.

Cela permet-il de considérer que tout est possible pour les amoureux ? Rien n’est moins sûr, et les écueils juridiques sont au contraire relativement nombreux à tous les stades de la relation.

De la rencontre à la rupture : les points de vigilance

La séduction se doit d’être à la fois respectueuse et délicate. Menée avec lourdeur, elle pourrait en effet rapidement être perçue comme attentatoire à la dignité, ou intimidante, et matérialiser ainsi un agissement sexiste (art. L1142-2-1). Si le comportement ou les propos se répètent, et qu’ils font apparaître une connotation sexuelle (ce qui n’est pas totalement exclu dans ce domaine…), ils basculeront alors dans le champ du harcèlement sexuel, à la fois interdit par le Code du travail et réprimé par le Code pénal (art. 222-33). Casanova s’assurera donc de la sincérité de ses sentiments, de la mesure de ses propos, et se rappellera que non, c’est non.

Si les cœurs s’accordent, la passion ne pourra cependant pas l’emporter sur la raison en temps et lieu de travail.

 

Si les cœurs s’accordent, la passion ne pourra cependant pas l’emporter sur la raison en temps et lieu de travail. Les amoureux devront ainsi continuer à se consacrer aux attributions professionnelles qui sont les leurs, à l’exclusion de toute autre activité durant les horaires de travail. C’est la stricte conséquence du principe de séparation de la vie professionnelle et de la vie privée. Il n’est pas davantage envisageable, si une relation hiérarchique se superpose au sentiment, d’accorder à l’élu-e de son cœur des facilités ou des avantages dont les autres salariés ne bénéficient pas. Au-delà de la perturbation que cela pourrait générer, il s’agirait alors d’une différence de traitement ne répondant pas à une exigence professionnelle essentielle et déterminante, et dépourvue d’objectif légitime au sens où la loi l’entend (art. L 1133-1). Celui ou celle à l’origine de la dérogation accordée serait fautif, et pourrait également se voir reprocher une rupture d’égalité illégitime.

Il faut enfin savoir rester imperturbable, sur le plan professionnel, si la rupture survient. Les insultes et propos déplacés sont incontestablement fautifs, sans préjudice de leur possible qualification d’agissements sexistes. De la même manière, chercher répétitivement à reconquérir l’autre par des propos ou comportements à connotation sexuelle, portant atteinte à sa dignité ou créant à son encontre une situation intimidante ou offensante suffira pour faire basculer l’amoureux-se déçu-e dans le champ du harcèlement sexuel. Il n’est enfin pas recommandé de chercher à se venger du dépit amoureux sur le terrain professionnel car, ici encore, l’inégalité de traitement ou la discrimination pourraient rapidement être reprochés.

 

Si Cupidon n’est pas totalement banni de l’entreprise, le droit lui laisse malgré tout peu de place pour décocher ses flèches !