Rupture

De façon générale, l’utilisation indue d’un véhicule de fonction est fautive et justifie un licenciement, éventuellement pour faute grave. Un tel manquement a été caractérisé par exemple en cas d’utilisation du véhicule pour se rendre en boîte de nuit (Cass. soc., 21 mars 2001, no 98-46.210), en cas de prêt du véhicule à un membre de sa famille (Cass. soc., 3 avr. 2013, no 11-27.530).

Dans un arrêt de la Cour d’Appel de Rennes (CA Rennes, 31 août 2018, n°16/6462), un salarié est licencié pour avoir pratiqué le covoiturage avec son véhicule professionnel sans autorisation de son employeur. Dans le silence du règlement intérieur sur la pratique du covoiturage, les juges estiment en effet qu’il appartenait au salarié d’en tirer les conséquences et de solliciter l’autorisation de son employeur, ce qu’il n’avait pas fait. Par ailleurs, les conditions générales du site Blablacar – plateforme de covoiturage dont il était question den l’espèce – stipulent l’engagement du conducteur à « ne pas publier d’Annonce de Covoiturage relative à un véhicule dont [il n’est pas] le propriétaire ou [qu’il n’est] pas habilité à utiliser à des fins de covoiturage ».

De plus, le salarié pratiquait cette activité à titre lucratif, ce qui semble avoir été déterminant dans la qualification de la faute justifiant son licenciement. L’estimation des gains telle qu’elle résultait des annonces passées sur le site de covoiturage s’élevait à plusieurs milliers d’euros, preuve selon la Cour d’appel, que le salarié avait nécessairement réalisé des bénéfices. Or, le covoiturage à titre lucratif est prohibé par le Code des transports (C. transp., art. L. 3132-1 : « Le covoiturage se définit comme l’utilisation en commun d’un véhicule terrestre à moteur par un conducteur et un ou plusieurs passagers, effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, dans le cadre d’un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte. Leur mise en relation, à cette fin, peut être effectuée à titre onéreux ») et donc également par les conditions générales du site en cause. 

Cette pratique illégale du covoiturage à titre lucratif excluait la couverture des passagers – pourtant exigée elle aussi par les conditions générales du site – puisque l’assurance des véhicules de l’entreprise ne couvrait pas le transport onéreux de personnes, situation évidemment de nature à exposer l’employeur à un risque.

La Cour d’appel en conclut que, si le salarié avait sollicité l’autorisation préalable de son employeur, celui-ci l’aurait informé que l’assurance ne couvrait pas les personnes transportées dans un tel cadre et, par conséquent, n’aurait pas accédé à sa demande. En conséquence, elle décide que « pratiquer le co-voiturage avec un véhicule de fonction à l’insu de son employeur, en l’exposant à un risque compte tenu de l’absence de couverture de cette activité par l’assureur, constitue une faute justifiant le licenciement ».