Statut collectif

La loi d’habilitation à prendre par ordonnance les mesures pour le renforcement du dialogue social  se donne notamment pour objectif en son article 4, de sécuriser et d’améliorer le dispositif d’extension des accords collectifs de branche ainsi que le mécanisme de l’élargissement.

Explications par Florence Milan, Associée – Capstan Avocats

Il convient de rappeler que l’extension d’une convention ou d’un accord collectif de travail le rend obligatoire pour tous les employeurs (et salariés) compris dans son champ d’application, peu important qu’ils ne soient ni signataires de l’accord, ni membres d’une organisation signataire.

Une fois étendu(e), un accord ou une convention peut être élargi(e). L’élargissement rend les dispositions d’une convention ou d’un accord étendu applicables aux entreprises et salariés relevant d’un autre champ d’application géographique ou d’un autre secteur professionnel dépourvu de disposition conventionnelle.

Sécuriser le dispositif d’extension

La sécurisation du dispositif d’extension est appréhendée dans la loi au travers de l’amélioration du droit d’opposition patronale à l’extension et de la consécration législative de l’extension d’un accord de branche ayant des dispositions incomplètes.

  • Le droit d’opposition à l’extension des employeurs

Le droit d’opposition à l’extension a été reconnu aux organisations patronales non signataires d’un accord professionnel dès lors qu’elles emploient plus de 50 % des salariés des entreprises adhérentes aux différentes organisations patronales.

En pratique, compte tenu de la représentativité des organisations patronales, ce droit d’opposition sera dépourvu d’objet car dans la majorité des cas, il n’y a qu’une organisation patronale représentative.

Par ailleurs, dans les quelques secteurs d’activité qui peuvent revendiquer plusieurs organisations patronales représentatives (la couture parisienne, les entreprises du bâtiment employant plus de 10 salariés et le commerce des articles de sports et d’équipements de loisirs), la pluralité n’est pas effective car dans chacun de ces secteurs à chaque fois, une organisation nettement majoritaire, qui dépasse les 90 %.

Au niveau interprofessionnel, le MEDEF (70,72 % d’audience) peut s’opposer à l’extension d’un ANI signé par la CPME et l’U2P. Inversement, le Medef peut signer seul un ANI et demander son extension, sans que la CPME et l’U2P ne puissent s’y opposer.

Dans ce contexte, le droit d’opposition patronal à l’extension d’un accord de branche paraît bien théorique.

C’est dans ce cadre que la loi d’habilitation prévoit de préciser les conditions dans lesquelles les organisations d’employeurs pourront faire valoir leur opposition à une extension.

Les travaux préparatoires et parlementaires ne donnent aucune indication sur les intentions du gouvernement en la matière. Il faudra donc attendre la publication des premiers projets d’ordonnances pour en savoir plus.

  • L’extension d’un accord de branche ayant des stipulations incomplètes

Jusqu’au mois de mai dernier, lorsqu’un accord de branche ne comportait pas la totalité des dispositions prévues par la loi et devant être fixées par accord collectif de branche ou d’entreprise, le ministre étendait les stipulations concernées de l’accord, sur la base de l’article L. 2261-25 du Code du travail, sous la réserve de la conclusion d’un accord d’entreprise sur les éléments non fixés par l’accord de branche.

Or, par un arrêt du 12 mai 2017, le Conseil d’Etat a jugé que le Ministre ne pouvait se fonder sur ces dispositions pour étendre un accord de branche sous réserve qu’il soit complété par un accord d’entreprise.

La loi d’habilitation prévoit la possibilité pour le Ministre d’étendre un accord de branche sous la réserve qu’il soit complété par un accord d’entreprise.

La redéfinition des conditions d’élargissement d’un accord de Branche

En l’état actuel de la législation, en cas d’absence ou de carence des organisations de salariés ou d’employeurs se traduisant par une impossibilité persistante de conclure une convention ou un accord dans une branche d’activité ou un secteur territorial déterminé, le ministre peut élargir une convention ou un accord étendu.

La procédure d’élargissement peut intervenir à la demande d’une des organisations représentatives intéressées ou à l’initiative du ministre, sauf opposition écrite et motivée de la majorité des membres de la Commission nationale de la négociation collective.

Toutefois, l’article L. 2261-17 du Code du travail précise que l’élargissement de l’accord à un secteur territorial différent est subordonné à la condition que ledit secteur présente des conditions économiques analogues à celles du secteur dans lequel l’extension est déjà intervenue. Lorsqu’il s’agit d’un élargissement professionnel, le secteur professionnel en cause doit présenter des conditions analogues quant aux emplois exercés.

Ces notions de « conditions économiques analogues » ou « des conditions analogues quant aux emplois exercés » seront précisées par une des ordonnances à venir car la loi d’habilitation prévoit (article 4) que seront prises des mesures visant à définir « les conditions dans lesquelles tout ou partie des stipulations d’une convention ou d’un accord étendu peuvent être élargies aux entreprises, le cas échéant sous condition de seuil d’effectifs, relevant d’une branche d’activité ou un secteur territorial déterminé et se trouvant dans l’impossibilité de conclure une convention ou un accord ».

L’objectif est bien sûr de faciliter l’élargissement dans l’objectif de réduire le nombre de conventions de branche.