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La loi du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires définit pour la première fois la notion de « secret des affaires » et son cadre juridique.

Cette loi renforce indirectement la protection de certaines informations confidentielles, notamment stratégiques, auxquelles les salariés peuvent avoir accès dans le cadre de l’exécution de leur contrat de travail.

Jusqu’à présent, il était possible de s’appuyer sur le principe général de loyauté s‘imposant aux salariés ou, plus utilement, sur des clauses du contrat de travail, dont la portée et l’efficacité étaient cependant relativement incertaines. Cela reste d’actualité, mais les nouveaux textes introduisent de nouvelles notions qui devraient conduire les employeurs à faire preuve de vigilance et à réexaminer leurs pratiques.

Quel périmètre pour la protection du secret des affaires ?

Est désormais protégée au titre du secret des affaires toute information, quel qu’en soit le support, répondant aux critères cumulatifs suivants :

  • Elle n’est pas généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;
  • Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;
  • Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret (article L.151-1 du Code de Commerce)

Il est donc essentiel que les entreprises vérifient le niveau des mesures de protection mises en place (clauses contractuelles, mentions de confidentialité, restrictions d’accès, mots de passe, etc). A défaut, en cas de « fuite » d’informations confidentielles, il ne sera pas possible de se prévaloir de la loi du 30 juillet 2018.

La définition du « détenteur légitime »

La nouvelle loi définit le « détenteur légitime » d’un secret d’affaires pour mieux identifier, par opposition, le détenteur illégitime, qui peut faire l’objet de poursuites. Il s’agit de « celui qui en a le contrôle de façon licite ».

Par opposition, « l’obtention » d’un secret d’affaires est donc illicite, et ainsi répréhensible, lorsqu’elle est intervenue sans le consentement de son détenteur légitime et qu’elle résulte soit d’un accès, d’une appropriation ou d’une copie non autorisés, soit d’un « comportement (…) déloyal et contraire aux usages en matière commerciale ».

Quant à « l’utilisation » ou « la divulgation » d’un secret d’affaires, elle est illicite lorsque l’information a été obtenue de façon illicite ou que la personne agit en violation d’une obligation de confidentialité. Il est donc une nouvelle fois essentiel pour l’employeur de prévoir des clauses contractuelles pour assurer la protection du secret des affaires.

La divulgation ou l’utilisation d’un secret d’affaires est également illicite si son détenteur « savait ou aurait dû savoir » que l’information avait été obtenue d’une personne qui la détenait de manière illicite.

Quelles exceptions à la protection du secret des affaires ?

Un certain nombre de situations rendront inopposable l’atteinte au secret des affaires : respect de la liberté d’expression et de communication (notamment la liberté de la presse) ; exercice du droit d’alerte organisé par la loi « Sapin 2 »… La portée effective de ces deux exceptions est relativement floue, ce qui ne permet pas d’offrir une véritable sécurité juridique aux entreprises.

Des règles spécifiques pour les représentants du personnel ?

Les membres du CE ou du CSE restent tenus au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication et à une obligation de « discrétion » à l’égard des informations revêtant un caractère confidentiel, à condition qu’elles aient été présentées comme telles par l’employeur.

Dans certains cas, l’employeur ne pourra pas opposer le secret des affaires dans une instance judiciaire.

Toutefois, la loi ouvre potentiellement une brèche. En effet, l’employeur ne pourra pas opposer le secret des affaires dans une instance judiciaire lorsque :

  • « L’obtention du secret des affaires est intervenue dans le cadre de l’exercice du droit à l’information et à la consultation des salariés ou de leurs représentants ;
  • La divulgation du secret des affaires par des salariés à leurs représentants est intervenue dans le cadre de l’exercice légitime par ces derniers de leurs fonctions, pour autant que cette divulgation ait été nécessaire à cet exercice ».

Ainsi, la divulgation – même illicite – d’informations confidentielles par des salariés aux représentants du personnel ne pourra pas être sanctionnée sur le fondement de la nouvelle loi, à condition néanmoins qu’elle s’inscrive dans le cadre de leur mission représentative.

Le législateur limite – heureusement – l’immunité aux salariés strictement visés en précisant que « l’information ainsi obtenue ou divulguée demeure protégée au titre du secret des affaires à l’égard des personnes autres que les salariés ou leurs représentants qui en ont eu connaissance ». En d’autres termes, le fait que des informations confidentielles aient été obtenues par les représentants du personnel dans le cadre de leurs fonctions représentatives ne leur permet pas pour autant de les diffuser librement à des tiers.