Présenté en Conseil des ministres le mardi 14 octobre 2025, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 concilie, selon le Gouvernement, « le triple objectif de financer les priorités stratégiques de la France, de préserver le modèle social et de restaurer des marges de manœuvres budgétaires ».
Déposé à l’Assemblée nationale à la même date, le PLFSS va devoir parcourir un long chemin, au cours duquel il va être amené à évoluer, plus ou moins largement selon les compromis qui seront trouvés.
Ainsi, son examen en Commission des affaires sociales a débuté ce mardi 21 octobre, et c’est déjà près de 1400 amendements qui ont déposés… L’examen en Commission des affaires sociales devrait se prolonger jusqu’au 29 octobre, selon l’agenda actuellement disponible.
L’examen par l’AssemblĂ©e elle-mĂŞme est prĂ©vu Ă compter du 4 novembre et devrait durer jusqu’au 12 novembre.
A propos du PLF 2026 : création d’un droit de timbre de 50€ pour les actions prud’homales
Présenté en Conseil des Ministres le même jour que le PLFSS, le PLF 2026, actuellement en cours d’examen par la Commission des finances de l’Assemblée nationale, prévoit la création d’une contribution pour l’aide juridique, « destinée à dissuader d’éventuels recours abusifs, à assurer une solidarité financière entre l’ensemble des justiciables et à contribuer au financement de l’aide juridictionnelle » (PLF 2026, art. 30)
Cette contribution de 50 € serait exigée pour toute procédure intentée en matière civile et prud’homale, devant un TJ ou un CPH (sauf quelques exceptions, par ex. lorsque la partie est bénéficiaire de l’aide juridictionnelle). L’acquittement de cette contribution, qui deviendrait une condition de recevabilité de la requête, se ferait sous forme de droit de timbre dématérialisé, soit par le justiciable, soit par l’avocat pour le compte de son client.
Attention toutefois : comme le PLFSS, le PLF n’est qu’au début de son parcours législatif et va évoluer au fur et à mesure de son examen.
Passage en revue des 10 principales mesures intéressant les employeurs contenues dans ce PLFSS 2026, tel que déposé par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, et dont il faudra suivre les évolutions dans les semaines à venir.
1. Soumission au forfait social de 8 % de certains compléments de salaire (art. 8)
Divers avantages qualifiés de compléments de salaire prennent une place croissante dans la structure globale de rémunération des salariés, leur augmentation constituant un moindre coût pour les employeurs. À titre illustratif, l’étude d’impact du PLFSS affirme que la valeur des titres-restaurant distribués a progressé de 5,1 % par an en moyenne depuis 2000, contre 3 % pour la masse salariale soumise à cotisations sociale.
Pour limiter la « perte significative de recettes pour l’État et la sécurité sociale » résultant de ces dispositifs (4,5 Md€ en 2026), le texte vise à assujettir au forfait social les aides directes (titres- restaurant, CESU, ASC du CSE et chèque vacances) consenties aux salariés par leur employeur au taux de 8 %, sans pour autant les soumettre à la CSG et à la CRDS.
Seraient ainsi soumises au forfait social au taux de 8 % :
- la participation exonérée de l’employeur au financement du CESU et aide pour l’emploi de services à la personne ;
- la participation exonérée de l’employeur au financement des titre-restaurant ;
- la contribution de l’employeur ou du CSE pour le financement des activités sociales, culturelles et sportives ;
- l’aide financière de l’entreprise destinée au financement d’activités de services à la personne ;
- la participation exonérée de l’employeur au financement des chèques vacances.
2. Augmentation du forfait social Ă 40% sur les ruptures conventionnelles et mises Ă la retraite (art. 8)
Afin de « limiter les stratégies d’optimisation liées aux modalités de rupture du contrat de travail » (75 % des ruptures conventionnelles se seraient ainsi substituées à des démissions de CDI entre 2012 et 2017, selon la DARES, citée par l’étude d’impact du PLFSS), le texte majore de 10 points le taux du forfait social applicable aux indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite (porté de 30% à 40%).
3. Suppression du dispositif d’exonération de cotisations salariales des apprentis (art. 9)
Le texte supprime l’exonération de cotisations salariales en faveur des apprentis pour les nouveaux contrats (1ère rémunération déclarée au titre des périodes d’activité à compter du 1er janvier 2026).
4. Limitation de la durée de prescription des arrêts de travail (art. 28)
Les durées de primo-prescription d’arrêt de travail seront limitées :
- à 15 jours lorsque l’arrêt est prescrit en ville ;
- à 30 jours lorsque l’arrêt est prescrit à l’hôpital.
Les durées de prolongation d’arrêt de travail seront limitées à 2 mois, pour l’ensemble des prolongations, qu’elles soient prescrites en ville ou à l’hôpital. Ainsi, les arrêts de travail pourront être prolongés par le professionnel de santé à plusieurs reprises si nécessaire, dans la limite de 2 mois à chaque renouvellement.
Ces durées maximales seront fixées par voie réglementaire.
5. Limitation de la durée de versement des IJSS AT/MP (art. 28)
Contrairement aux indemnités journalières versées au titre du risque maladie (IJSS), les IJ AT-MP ne connaissent pas de durée maximale de versement. Or, « sauf situations particulières, la situation médicale des assurés est nécessairement stabilisée au bout de plusieurs années et il n’y a donc plus lieu que les assurés soient indemnisés au titre de l’incapacité temporaire ».
La mesure vise donc à instaurer une limitation de durée au terme de laquelle l’état de santé sera considéré comme consolidé. Si des séquelles permanentes sont constatées, l’assuré bénéficiera d’une rente AT/MP ou d’une indemnité en capital qui remplacera les indemnités journalières. La durée limite de versement des IJ AT-MP sera précisée au niveau règlementaire. Une durée maximale de 4 ans est envisagée.
6. Suppression de l’obligation de visite de reprise après un congé de maternité (art. 28)
Le texte rend facultatif l’examen de reprise après un congé de maternité pour le laisser à l’appréciation du travailleur ou de l’employeur, si ces derniers anticipent d’éventuels risques lors de la reprise (fatigue, post-partum, problèmes physiques liés à la grossesse, difficultés liées à l’allaitement, dépression post-natale…).
Remarque : d’après l’étude d’impact, d’autres mesures règlementaires sont envisagées afin d’instaurer pour les arrêts pour cause de maladie professionnelle une visite de reprise après une absence d’au moins 30 jours (actuellement : pas de durée prévue) ; et d’allonger la durée des arrêts justifiant l’organisation d’une visite de reprise, en passant la durée de 30 à 90 jours en cas d’accident du travail et de 60 à 120 jours en cas de maladie ou d’accident non professionnel.
7. Limitation de la durée d’indemnisation des arrêts de travail des assurés ne relevant pas du dispositif de l’affection de longue durée (art. 29)
Un dispositif dérogatoire dit de l’ALD « non exonérante » est prévu pour les personnes dont l’état de santé nécessite une interruption de travail ou des soins d’une durée prévisible supérieure à 6 mois, mais qui ne sont pas reconnus comme bénéficiant du statut d’ALD. Ces personnes bénéficient de modalités spécifiques de droits à indemnités journalières.
Le texte supprime ces règles dérogatoires. Ainsi, les assurés atteints d’une affection qui nécessite une interruption de travail d’au moins 6 mois, mais qui n’est pas reconnue comme une ALD, se verront appliquer les règles de droit commun en matière d’indemnités journalières.
8. Amélioration de la reconnaissance des maladies professionnelles (art. 39)
La reconnaissance des maladies professionnelles (MP) repose sur deux systèmes : un système dit « principal » fondé sur les tableaux de maladies professionnelles (TMP) auxquels est attaché le principe de présomption d’origine professionnelle, ainsi qu’un système dit « complémentaire » fondé sur un examen individuel par les comités régionaux de reconnaissance de maladies professionnelles (CRRMP) des dossiers ne remplissant pas les conditions prévues par les tableaux ou ne relevant pas d’un tableau.
Deux mesures visent à améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles :
- davantage de souplesse pour les examens médicaux : plusieurs tableaux prévoient des examens précisément définis pour confirmer le diagnostic clinique. Or, certains examens actuellement visés peuvent être difficilement accessibles sur certaines parties du territoire, ou sont devenus obsolètes, inadaptés voire contre-indiqués dans certains cas. Un décret qui devrait entrer en vigueur avant le 30 septembre 2026, aurait vocation à préciser que les maladies professionnelles sont, lorsque cela s’avère nécessaire, diagnostiquées par des examens conformes aux données acquises de la science, au regard des recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de Santé (HAS) ou, à défaut, des sociétés savantes. Cette solution permet de ne pas « figer » dans les textes les examens à réaliser, qui pourront tenir compte de l’évolution des pratiques médicales ;
- reconnaissance par les médecins-conseils : les pathologies ne remplissant pas les conditions prévues par un tableau de maladie professionnelle seront examinés par des médecins-conseil du service médical de l’assurance maladie et non plus par les comités régionaux de reconnaissance de maladies professionnelles (CRRMP). Les CRRMP resteront compétents pour les maladies dites « hors tableaux ».
9. Création d’un congé supplémentaire de naissance (art. 42)
Le PLFSS permet Ă chacun des deux parents de bĂ©nĂ©ficier d’un congĂ© supplĂ©mentaire de naissance d’une durĂ©e allant jusqu’à 2 mois, non fractionnable, s’ajoutant Ă leurs droits Ă congĂ© de maternitĂ©, Ă congĂ© de paternitĂ© et d’accueil de l’enfant ou Ă congĂ© d’adoption. Ce congĂ© supplĂ©mentaire pourra ĂŞtre pris Ă la suite du congĂ© de maternitĂ©, paternitĂ© ou d’adoption ou a posteriori, jusqu’au 9e mois de l’enfant.
Pour les salariés, l’indemnisation sera dégressive, soit un premier mois indemnisé à 70% du salaire net antérieur et un deuxième mois indemnisé à 60% du salaire net antérieur, dans la limite du plafond de sécurité sociale.
10. Rationalisation et simplification du cumul emploi-retraite (art. 43)
Il est prévu un dispositif de cumul de la pension et de revenus professionnels et de remplacement en 3 étages :
- Avant l’âge légal : un écrêtement de la pension de retraite à hauteur de 100 % des revenus en cas de reprise d’activité et ce dès le 1er euro. Il a pour objet de désinciter au cumul emploi-retraite avant l’atteinte de l’âge d’ouverture des droits (64 ans à terme), au profit de la retraite progressive ;
- Entre l’âge légal et l’âge d’annulation de la décote (67 ans) : le cumul est libre dans la limite d’un seuil annuel fixé par décret et qui pourrait être de 7 000 euros / an. En cas de dépassement, les pensions seront écrêtées à hauteur de 50 % des revenus. Des règles de répartition de l’écrêtement entre les différentes pensions seront définies, en priorisant les régimes de base. Le délai de carence de 6 mois en cas de reprise d’activité chez le même employeur (actuellement applicable pour les assurés ne remplissant pas les conditions du cumul intégral, notamment ceux qui n’ont pas liquidé avec le taux plein) est supprimé ;
- Au-delà de 67 ans : le cumul est intégral et créateur de droits.
Quid de la suspension de la réforme des retraites ?
Le Premier ministre a annoncé le 14 octobre la suspension de la réforme des retraites Borne de 2023 « jusqu’à l’élection présidentielle » de 2027. « Aucun relèvement de l’âge n’interviendra à partir de maintenant jusqu’à janvier 2028 (…). En complément, la durée d’assurance sera elle aussi suspendue et restera à 170 trimestres jusqu’à janvier 2028. »
Cette suspension, qui ne figure pas dans la version du PLFSS dĂ©posĂ©e le 14 octobre Ă l’AssemblĂ©e nationale, prendra la forme d’une « lettre rectificative » dont a Ă©tĂ© saisi le Conseil d’État, a annoncĂ© le Premier ministre ce mardi 21 octobre devant l’AssemblĂ©e nationale. « Un Conseil des ministres aura lieu jeudi matin pour l’adopter ».
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