Protection sociale

Dans un arrêt du 20 mars 2024 (Cass. soc., 20 mars 2024 n°22-20.880), la chambre sociale de la Cour de cassation écarte l’existence d’un abus de droit au regard du bénéficie d’un régime de retraite supplémentaire à prestations définies, dans une situation où un salarié s’était manifestement précipité pour notifier son départ à la retraite alors qu’une procédure de licenciement était en cours.

Les faits : une procédure de licenciement en cours, et un départ à la retraite… précipité

Dans cette affaire, un salarié bénéficiait d’un régime de retraite supplémentaire à prestations définies, relevant de l’article L. 137-11 du Code de la sécurité sociale, mis en place par son employeur.

Pour mémoire, le bénéfice de ce type de dispositif est conditionné au fait que le salarié achève sa carrière dans l’entreprise, à savoir qu’il liquide ses droits à retraite au titre du régime de base de la sécurité sociale.

Ce salarié, s’est vu notifier une mise à pied conservatoire et une convocation à un entretien préalable à un licenciement pour faute grave. Craignant de perdre le bénéficie du régime de retraite, le salarié a informé la société, avant que ne se tienne l’entretien préalable, de son départ à la retraite à effet quasi immédiat et a sollicité en conséquence la liquidation de sa pension de retraite supplémentaire à prestations définies.

La société s’est opposée à la liquidation des droits à retraite supplémentaire, conduisant le salarié à saisir le conseil de prud’hommes. La société a formé une demande reconventionnelle, dénonçant les « conditions manifestement fautives, déloyales et abusives » du départ du salarié.

La réponse de la Cour de cassation : pas d’abus de droit à l’égard du régime de retraite supplémentaire

La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel ayant donné gain de cause au salarié, considérant que :

« Selon l’article L. 1237-2 du code du travail, la rupture d’un contrat à durée indéterminée à l’initiative du salarié ouvre droit, si elle est abusive, à des dommages-intérêts pour l’employeur.
(…) la cour d’appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis et opérant la recherche prétendument omise, a estimé que l’employeur ne rapportait pas la preuve d’un abus de droit de la part du salarié, libre de faire valoir ses droits à la retraite dès lors que ceux-ci lui sont ouverts, nonobstant l’engagement d’une procédure de licenciement disciplinaire, de sorte que, la condition de présence du salarié dans les effectifs de l’entreprise lors de la liquidation de ses droits à retraite prévue par le régime de retraite supplémentaire mis en place dans l’entreprise étant remplie, elle a fait droit à la demande du salarié tendant à ordonner à l’employeur de remettre à l’assureur les documents nécessaires au bénéfice du dit régime de retraite. »

La circonstance selon laquelle le salarié fait valoir ses droits à la retraite alors qu’une procédure de licenciement a été engagée n’est pas constitutive d’un abus de droit selon la Cour. Quand bien même en l’espèce, la notification du départ était manifestement précipitée et visait à conserver le bénéfice du régime de retraite supplémentaire, la Cour valide l’appréciation des juges du fond ayant estimé que la société n’apportait pas la preuve de l’abus de droit.

Dès lors que le salarié achève sa carrière dans l’entreprise, il peut valablement prétendre à la liquidation de la pension de retraite supplémentaire.

A noter qu’il est fréquemment prévu dans ce type de dispositif que les bénéficiaires potentiels conservent le bénéfice du régime en cas de licenciement après 55 ans, sous réserve de ne pas reprendre d’activité jusqu’à la retraite. Toutefois en l’espèce, le régime ne devait pas prévoir cette exception, raison pour laquelle un licenciement aurait privé l’intéressé du bénéfice du régime.