Protection sociale

Contexte

En mai 2023, Gabriel ATTAL, alors Ministre des comptes publics, présentait la feuille de route du Gouvernement pour lutter contre les fraudes avec pour objectif affiché de « rétablir la confiance, la justice et l’efficacité de la puissance publique ».  

Le 20 mars 2024, un premier bilan a été présenté par le Gouvernement et met notamment en évidence une fraude massive aux prestations sociales au moyen, notamment, de faux arrêts maladies et d’arrêts maladies de complaisance.

Les chiffres sont vertigineux :

  • 450 millions d’euros de fraude pour l’Assurance Maladie ;
  • 11 millions d’euros de fausses ordonnances signalées par les pharmaciens ;
  • 5 millions d’euros de faux arrêts de travail repérés sur internet.

L’employeur victime collatérale de la fraude sociale

Si l’Etat, et les Français, sont les premières victimes de cette fraude, les employeurs en sont, eux, les victimes collatérales faisant face à des stratégies judiciaires offensives assises sur la fraude sociale.

Pour comprendre ce qui a conduit au détournement des arrêts maladie et une forme d’institutionnalisation de la fraude, il faut se replonger 7 ans en arrière lors de l’entrée en vigueur du Barème dit « Macron » le 24 septembre 2017 (Ord. n°2017-1387 du 22 septembre 2017).  

Depuis cette date, le salarié qui conteste son licenciement voit son indemnisation encadrée par des seuils fixés au regard de son ancienneté, limitant ainsi le montant d’une éventuelle condamnation (C. trav., article L.1235-3). Si le principe est posé, il souffre néanmoins d’exceptions.  

Parmi elles, les demandes visant à solliciter la nullité du licenciement en raison de la violation (prétendue) d’une règle protectrice du salarié.

C’est ici que la fraude débute, les salariés cherchant à se procurer, dans un contexte de procédure de licenciement, des certificats médicaux comme :

  1. rempart à un éventuel licenciement ;
  2. outil de « déplafonnement » du Barème Macron dans le cadre d’une procédure judiciaire à venir.

Or, et c’est ce que confirme le bilan du Gouvernement, il est aujourd’hui extrêmement simple de se procurer un faux certificat maladie.

C’est pourtant sur la base de ces certificats médicaux « douteux » que les salariés sollicitent ensuite la nullité de leur licenciement, et demandent leur réintégration dans l’entreprise avec paiement des salaires qu’ils auraient dû percevoir depuis leur sortie des effectifs, invoquant une situation de harcèlement confirmée par l’arrêt de travail.

Le facteur temps entre ici en jeu alors même qu’il n’existe pas de procédure accélérée de contestation contre une tentative de protection reposant sur une fraude sociale (il en va différemment par exemple en cas de tentative de protection via une candidature imminente aux élections professionnelles dans un contexte de procédure de licenciement).

Le salarié, de son côté, a tout intérêt à une stratégie du temps long, chaque jour qui passe lui laissant entrevoir le bénéfice d’une somme plus élevée en cas de réintégration.

Les moyens pour gagner du temps sont, en pratique, assez nombreux :

  • saisir tardivement le Conseil de prud’hommes ;  
  • conclure tardivement en espérant un ou plusieurs renvois ;
  • multiplier les incidents de procédure ;
  • utiliser de manière abusive des voies de recours.

L’employeur, face à une telle évolution de la stratégie judiciaire, dispose néanmoins de moyens d’action.

L’employeur peut et doit agir contre la fraude sociale  

Si les moyens à la disposition des employeurs ne sont aujourd’hui pas suffisants, ils ne sont pas inexistants.

Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut citer les actions suivantes :

  • Emettre des réserves à réception du certificat médical ;
  • Suivre de manière scrupuleuse l’instruction du dossier de reconnaissance de la maladie professionnelle devant la CPAM en rappelant le contexte de l’arrêt et en apportant le maximum de pièces au dossier pour démontrer l’absence de tout lien avec les conditions de travail ;
  • Contester devant l’ordre des médecins les certificats médicaux de complaisance (voir par ex. CE, 11 octobre 2017, n°403576) ;
  • Reprendre la main sur le calendrier de procédure judiciaire (i) en concluant avant le bureau de conciliation et d’orientation pour contraindre à une procédure rapide (ii) en suivant le calendrier à la lettre et (iii) en rappelant la jurisprudence de la Cour de cassation sanctionnant la tardiveté de la demande de réintégration (Cass. soc., 13 janvier 2021, n°19-14050) ;
  • Invoquer le principe selon lequel « la fraude corrompt tout » afin de faire échec à la protection assise sur une fraude ;
  • Limiter les rappels de salaire en sollicitant la déduction des revenus de remplacement ;
  • Envisager, en cas de condamnations, une action en responsabilité contre l’Etat en raison des délais de procédure trop longs et d’absence de procédure de contestation efficace.

➡️ En conclusion, l’objectif de « justice » fixé au sein de la feuille de route du Gouvernement est loin d’être atteint pour les employeurs, et un changement de la législation doit être envisagé afin de permettre aux employeurs de lutter plus efficacement contre ces tentatives frauduleuses de protection. Le salarié, ne pouvant plus compter sur une stratégie axée sur une léthargie procédurale n’aura plus d’intérêt à frauder ce qui contribuera sans nul doute à un rééquilibrage des dépenses de santé et à un procès équitable.