Contrat de travail

La règle est maintenant ancienne et parfaitement connue des employeurs : depuis un revirement de jurisprudence intervenu en 2002, la Cour de cassation subordonne la validité de la clause de non-concurrence à l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière. A défaut, la clause est nulle et le salarié libre de toute concurrence (Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 99-43.334, n° 00-45.135 ; Cass. soc., 29 janvier 2003, n° 00-44.882).

Sauf stipulation conventionnelle qui en fixe le montant, l’indemnité est librement déterminée par les parties, sous réserve d’un montant excessif (Cass. soc., 4 novembre 2020, n° 19-12.279) ou dérisoire (Cass. soc., 15 novembre 2006, n° 04-46.721).

Si rien n’interdit de verser l’indemnité en totalité au moment du départ du salarié, elle est généralement versée mensuellement pendant toute la durée de l’interdiction.

Par ailleurs, afin de s’assurer du respect par le salarié de son obligation, il est fréquent que l’employeur complète la clause par la fixation d’une indemnisation, généralement forfaitaire, qui lui sera versée en cas de violation de l’obligation de non-concurrence.

Par deux décisions récentes, la chambre sociale de la Cour de cassation vient de confirmer le sort de ces deux indemnisations en cas de non-respect par le salarié de la clause de non-concurrence.

L’indemnité de non-concurrence est définitivement perdue pour le salarié

Un premier arrêt du 24 janvier 2024 (n°22-20.926) donne l’occasion à la Cour de cassation de rappeler sa position à propos d’un salarié qui, après une démission, rejoint une entreprise concurrente à celle de son ancien employeur envers qui il restait lié par une clause de non-concurrence de 24 mois.

Informé de la situation, l’ancien employeur saisit le Conseil de prud’hommes aux fins de faire interdire la poursuite de ces nouvelles relations contractuelles. En réponse, le salarié sollicite le paiement de la contrepartie financière fixée par la clause de non-concurrence.

Après avoir constaté que l’activité concurrentielle développée par le salarié n’aura duré que 6 mois, la Cour d’appel va condamner l’employeur à verser au salarié la contrepartie prévue à la clause, sur la base d’une période de 18 mois correspondant aux 24 mois prévus, moins les 6 mois durant lesquels l’obligation n’a pas été respectée.

A tort selon la Cour de cassation, qui rappelle que la violation de la clause de non-concurrence prive le salarié du droit à la contrepartie, même après la cessation de sa violation.

La Cour de cassation réaffirme donc sa jurisprudence selon laquelle le salarié qui ne respecte pas l’obligation de non-concurrence perd définitivement le droit au versement de la contrepartie, en totalité (Cass. soc., 31 mars 1993, n° 88-43.280 ; Cass. soc., 5 mai 2021, n° 20-10-092).

L’indemnisation forfaitaire de l’employeur peut être réduite par le juge

Une seconde décision, en date du 14 février 2024 (n°22-17.332), permet à la Cour de cassation de réaffirmer, conformément au code du travail (« le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun », art. L. 1221-1), l’application au contrat de travail d’une règle du droit des contrats : le juge peut modérer ou augmenter une clause pénale lorsqu’elle elle est manifestement excessive ou dérisoire (C. civ., art. 1231-5).

En l’espèce, un salarié n’ayant pas respecté son obligation de non-concurrence se voyait réclamer par son ex-employeur le paiement de l’indemnisation forfaitaire prévue au contrat, pour un montant égal à 4 fois celui de la contrepartie financière. La Cour d’appel fait droit à cette demande, et refuse de modérer l’indemnité, aux motifs que « la contrepartie financière de la clause de non-concurrence qui a la nature d’une indemnité compensatrice de salaire stipulée en conséquence de l’engagement du salarié de ne pas exercer, après la cessation du contrat de travail, d’activité concurrente à celle de son ancien employeur, ne constitue pas une indemnité forfaitaire prévue en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle et ne peut donc être qualifiée de clause pénale ».

Le salarié forme un pourvoi en cassation : pour lui, cette indemnisation constitue une clause pénale que le juge pouvait réduire. La Cour de cassation lui donne raison. Elle casse donc l’arrêt de la Cour d’appel, et rappelle sa jurisprudence en la matière : l’indemnisation forfaitaire due par le salarié constitue bien une clause pénale (voir par ex. Cass. soc., 13 décembre 2000, n° 98-46.384).

Inutile donc, sauf à en espérer un effet comminatoire supérieur, de fixer une indemnisation sans rapport avec la durée et l’étendue de l’obligation de non-concurrence ! D’autant qu’il est possible de rappeler contractuellement, en plus de la clause pénale, le principe d’une réparation du préjudice effectivement subi par l’employeur en cas de violation de la clause de non-concurrence (Cass. soc., 10 février 1998, n° 95-44.747).