Le contexte
Le comité d’entreprise européen (CEE), institué par la directive 94/45/CE, a fait l’objet d’une directive 2009/38/CE dite de « refonte » en 2009. Près de 10 ans après cette révision, la Commission européenne procédait à une évaluation de la mise en œuvre de la directive (Rapport sur la mise en œuvre par les Etats membres de la directive 2009/38/CE). Si elle soulignait l’élan insufflé par ce texte dans la mise en place des CEE, elle précisait que des améliorations étaient possibles pour encourager la création de comités et palier les lacunes constatées dans le fonctionnement de ces instances notamment en termes d’effet utile de la consultation et des moyens alloués aux CEE.
Dans le prolongement de ces réflexions, le Parlement européen a fait usage de son droit d’initiative en février 2023 et a adopté une résolution appelant la Commission à proposer une directive révisée.
C’est désormais chose faite, puisqu’à l’issue de deux phases de consultation des partenaires sociaux, la Commission européenne a présenté le 24 janvier dernier son projet de directive révisée pour des comités d’entreprise européens « plus efficaces et plus efficients » dans un objectif de renforcement du dialogue social transnational.
Révision de la directive 2009/38/CE : quels changements ?
Les principales modifications proposées par la Commission européenne sont les suivantes :
- Suppression de l’exemption accordée aux accords antérieurs à la directive 94/45/CE : les accords volontaires prévoyant l’information et la consultation transnationales des travailleurs conclus antérieurement à la transposition de la directive 94/45/CE ne bénéficieront plus d’une dérogation pour l’application de la directive CEE. Ainsi, l’institution d’un CEE conforme à la directive pourra être demandée soit par la direction centrale, soit par au moins 100 travailleurs ou leurs représentants, relevant d’au moins 2 entreprises ou établissements situés dans au moins 2 Etats membres différents.
Selon la Commission, la suppression de cette dérogation permettra à 5,4 millions de travailleurs occupés dans 320 entreprises multinationales ayant des accords préexistants (mais souvent jugés insuffisants) de demander l’institution d’un CEE.
- Clarifier la définition des questions transnationales : le projet de directive révisée élargit la notion de question transnationale justifiant la compétence du CEE.
Il établit une présomption de transnationalité non seulement dans les cas où l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que les mesures envisagées par la direction aient une incidence sur les travailleurs dans plus d’un Etat membre, mais aussi dans les cas où l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que ces mesures aient des répercussions sur les travailleurs dans un seul État membre et où les conséquences de ces mesures sont susceptibles de concerner des travailleurs dans au moins un autre État membre.
La Commission rappelle qu’il « est essentiel de déterminer clairement quand les CEE doivent être consultés et informés », afin de réduire le risque de litige tout en maintenant la distinction par rapport aux questions nationales.
- Veiller à ce que les travailleurs des entreprises multinationales soient consultés en temps et de manière utiles sur les questions qui les concernent : la Commission réaffirme le droit à la consultation en temps utile et entend renforcer les obligations de la direction vis-à-vis du CEE : les membres des CEE devront « recevoir une réponse motivée à leur avis avant que la direction de l’entreprise n’adopte une décision sur des questions transnationales », et la direction de l’entreprise devra « fournir des justifications chaque fois que la confidentialité sera invoquée pour limiter la communication d’informations ou refuser leur divulgation sur des questions transnationales ».
- Veiller à ce que les comités d’entreprise européens disposent des capacités nécessaires pour mener à bien leur travail : les accords sur les CEE devront « préciser les ressources financières et matérielles allouées, par exemple en ce qui concerne les experts, les frais juridiques et la formation ».
- Renforcer l’équilibre entre les femmes et les hommes : « chaque fois qu’un accord sur un CEE sera (re)négocié, des dispositions devront être prises pour parvenir, dans la mesure du possible, à une composition équilibrée entre les femmes et les hommes ». Il sera notamment exigé de « tendre activement vers l’équilibre entre les femmes et les hommes au sein du groupe spécial de négociation, qui est un groupe temporaire de représentants des travailleurs négociant un accord sur le CEE avec l’entreprise ».
- Améliorer l’accès aux voies de recours : Considérant que les droits des CEE ne sont réellement garantis que s’il existe des moyens d’actions et des sanctions effectives en cas de manquements, selon la directive révisée, les États membres devront « informer la Commission de la manière dont les CEE pourront engager des procédures judiciaires, voire administratives ».Ils seront également tenus de « mettre en place des sanctions effectives, dissuasives et proportionnées pour réprimer les infractions à la directive ».
Rappelons qu’en France, le fait d’apporter une entrave soit à la constitution d’un groupe spécial de négociation ou d’un comité d’entreprise européen soit à la libre désignation de leurs membres, est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 7 500 € (37.500 € pour la personne morale). Le fait d’apporter une entrave à leur fonctionnement régulier est puni d’une amende de 7 500 €. (C. trav., art. L. 2346-1).
Prochaines étapes ?
Le projet de modification de la directive sur le comité d’entreprise européen doit désormais être examiné par le Parlement Européen et les Etats membres, selon un calendrier qui n’a pas encore été annoncé.
Une fois la directive adoptée, les Etats membres disposeront d’un an pour la transposer en droit national. Les nouvelles dispositions seront alors applicables 2 ans plus tard.
La Commission européenne invite les parties prenantes à profiter de ce délai de 2 ans pour adapter les accords existants relatifs au CEE aux nouvelles exigences de la directive :
- soit à l’initiative de la direction centrale,
- soit à la demande écrite d’au moins 100 travailleurs ou de leurs représentants dans au moins 2 entreprises ou établissements situés dans au moins 2 Etat membres différents,
- soit, le cas échéant, selon les modalités d’adaptation ou de renégociation prévues par l’accord existant.
Le projet de directive précise qu’à défaut d’aboutissement de la procédure d’adaptation dans un délai de 2 ans à compter de la date de présentation de la demande par les travailleurs ou par leurs représentants, des prescriptions subsidiaires de la directive s’appliqueront.