Statut collectif

Cass. soc., 7 février 2024 n°22-18.940

« Il résulte de l’article 3-3-4 « Temps partiel modulé » de l’accord d’entreprise portant notamment révision de l’accord du 28 avril 1999 sur la réduction du temps de travail modifié par avenant du 18 août 2000, signé le 31 juillet 2007, que la prime mensuelle que ce texte prévoit, destinée à compenser les sujétions du salarié à temps partiel soumis à un régime de modulation, lui reste acquise, nonobstant une reconnaissance ultérieure de l’inopposabilité de l’accord collectif instituant cette modulation. Doit dès lors être approuvée la cour d’appel qui, pour rejeter la demande subsidiaire de l’employeur tendant à la restitution des sommes versées au salarié au titre de la modulation, par suite de l’inopposabilité de l’accord de modulation, a retenu que l’intéressé avait été soumis de manière effective, dans son planning, durant sa période d’emploi, à une modulation du temps de travail, faisant ainsi ressortir les sujétions compensées par la prime mensuelle de modulation »

Inopposabilité d’un accord temps partiel modulé

Les faits concernent un accord collectif, conclu en 2007, qui assujettissait l’ensemble des salariés de l’entreprise à un régime de modulation du temps de travail, y compris les salariés à temps partiel.

On sait que la validité de l’accord de modulation du temps de travail était subordonnée au respect d’un contenu strict notamment, pour le temps partiel modulé, que l’accord prévoit les modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail ainsi que les conditions et les délais dans lesquels les horaires de travail sont communiqués par écrit au salarié.

La chambre sociale juge, avec constance, que le non-respect des prescriptions légales sur le contenu de l’accord de modulation et sur sa mise en œuvre rend le décompte à l’année inopposable au salarié, lequel peut demander la requalification de son horaire à temps partiel en temps plein, avec toutes les incidences salariales qui en découlent, dans les limites de la prescription salariale.

En l’espèce, le contenu de l’accord de modulation n’était pas en conforme aux dispositions légales, notamment parce que s’il prévoyait pour les salariés à temps partiel la remise tous les 15 jours des plannings hebdomadaires, en revanche, il ne prévoyait pas la remise de la programmation indicative de la répartition de la durée du travail sur l’année.

Cette insuffisance, selon la Cour d’appel de Versailles, approuvée par la Cour de cassation, rendait inopposable à la salariée plaignante l’accord et, sans surprise, bien-fondée la demande en requalification du temps partiel en temps plein et les réclamations salariales subséquentes.

Les conséquences de l’inopposabilité de l’accord

De façon surprenante, la Cour d’appel, tout en jugeant l’accord de modulation inopposable à la salariée, lui accorde néanmoins le droit de conserver une prime instituée par l’accord en compensation des sujétions liées à la modulation, ou plutôt rejette la demande de répétition des primes versées que sollicitait l’employeur en conséquence de l’inopposabilité de l’accord.

La Cour de cassation rejette la critique de l’employeur sur ce point aux motifs que la salariée avait été soumise de manière effective, dans son planning, durant sa période d’emploi, à une modulation du temps de travail, faisant ainsi ressortir les sujétions compensées par la prime mensuelle de modulation.

On a le droit, comme l’avait d’ailleurs suggéré l’Avocat Général de la Cour de cassation, de ne pas être d’accord avec cette analyse qui méconnaît le droit commun de la répétition de l’indu, analyse qu’applique d’ailleurs la chambre sociale lorsqu’un accord collectif instituant un forfait annuel en jours est jugé sans effet ou nul (voir « Inopposabilité du forfait en jours : l’arroseur … arrosé ? ». Dans une série d’arrêts à peine plus récents que celui ici commenté, la Cour de cassation a d’ailleurs justement considéré que dès lors que la convention de forfait à laquelle le salarié était soumis est privée d’effet, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu (pour la durée de la période de suspension de la convention individuelle de forfait en heures) (voir par exemple Cass. soc., 28 févr. 2024, n° 21-25.596).