Pour rappel, l’inaptitude médicale d’un salarié à son poste de travail suppose :
- au moins un examen médical accompagné, le cas échéant, d’examen(s) complémentaire(s), permettant un échange sur les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste. Lorsqu’un second examen médical est nécessaire, il doit être réalisé dans un délai de 15 jours suivant le premier examen ;
- la réalisation d’une étude de poste ;
- la réalisation d’une étude des conditions de travail, avec indication de la date d’actualisation de la fiche d’entreprise ;
- un échange, par tout moyen, avec l’employeur.
En cas d’avis d’inaptitude, l’employeur dispose d’un délai d’un mois pour reclasser ou, en cas d’impossibilité de reclassement, licencier l’intéressé ; à défaut, il doit reprendre le paiement du salaire.
Contestation de l’avis
L’avis d’inaptitude peut, sur le fondement de l’article L. 4624-7 du Code du travail, être contesté devant le Conseil de prud’hommes dans le délai de 15 jours suivant la notification de l’avis d’inaptitude dans le cadre de la procédure accélérée au fond (et non plus devant l’Inspection du travail dans un délai de 2 mois comme c’était le cas avant la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels).
Ces contraintes (délai de contestation significativement réduit / procédure juridictionnelle avec mesure d’instruction potentielle confiée au médecin inspecteur du travail) – ajoutées au fait que la contestation doit porter « sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale » – conduisent aujourd’hui beaucoup d’entreprises à renoncer à la contestation des avis médicaux, là où elles se seraient sans hésitation orientées dans cette voie sous l’ancienne réglementation.
Pour autant, dans certains cas, la contestation s’impose.
Si l’enjeu d’une contestation peut apparaître plus évident concernant un avis d’aptitude avec réserves auquel l’employeur est dans l’impossibilité matérielle de se conformer en raison de la nature et/ou de l’organisation de ses activités, il l’est également pour les avis d’inaptitude dans certaines circonstances : avis d’inaptitude délivré dans un contexte professionnel conflictuel, fréquence des avis d’inaptitude émis par le médecin du travail au sein d’une même entreprise, …
Pas de suspension du délai d’un mois pour reclasser ou licencier le salarié
Dans un arrêt du 10 janvier 2024 (pourvoi n°22-13.464), la Cour de cassation confirme, comme c’était le cas sous l’ancienne réglementation, que le recours contre l’avis d’inaptitude ne suspend pas le délai d’un mois dont dispose l’employeur pour reclasser ou licencier le salarié déclaré médicalement inapte.
Autrement dit, à défaut d’avoir reclassé ou licencié le salarié déclaré médicalement inapte dans le délai d’un mois suivant l’avis du médecin du travail, l’employeur doit reprendre le paiement du salaire, y compris en cas de contestation judiciaire dudit avis.
Dans l’affaire en question, l’employeur a ainsi été condamné à régler au salarié un rappel de salaire, notamment pour la période courant entre l’expiration dudit délai d’un mois et les conclusions du médecin inspecteur du travail, entre lesquelles s’étaient écoulés plus de 8 mois.
Le caractère non suspensif de la saisine du Conseil de prud’hommes constitue ainsi un élément supplémentaire à prendre en compte par les entreprises dans leur choix de contester ou non l’avis d’inaptitude.
En effet, l’option consistant à tirer les conséquences de l’avis d’inaptitude en reclassant ou licenciant l’intéressé (pour éviter d’avoir à reprendre le paiement du salaire à l’issue du délai d’un mois dans l’attente de la décision), n’apparait pas totalement satisfaisante en ce qu’elle pourrait être, à tout le moins en opportunité, de nature à fragiliser le bien-fondé de la contestation de l’avis (l’employeur tirant les conséquences d’un avis qu’il n’estime lui-même pas justifié…).