Rupture

L’employeur a la faculté de contrôler les compétences et l’activité professionnelles de ses salariés mais à condition qu’il ait recours à des dispositifs licites et loyaux. Il est notamment tenu, en application de l’article L.1222-3 du Code du travail, d’informer préalablement et expressément ses salariés des méthodes et techniques d’évaluation professionnelle mises en œuvre à leur égard.  Sous réserve du respect de ces conditions, la Cour de cassation admet, dans un arrêt du 6 septembre 2023 (Cass. soc., 6 septembre 2023, n°22-13.783) que les résultats recueillis grâce à l’intervention d’un « client mystère » puissent justifier une sanction disciplinaire.

Principe de licéité et loyauté des moyens de contrôle et de surveillance du salarié par l’employeur

En juillet 2016, un employé de restaurant libre-service est contrôlé par un « client mystère ». Un tiers à l’entreprise – le « client mystère » donc –, mandaté par l’employeur, se fait passer pour un simple client auprès du salarié testé. A l’issue de sa visite, il dresse un compte-rendu faisant état de l’absence de remise de ticket de caisse. L’employeur procède alors au licenciement de l’employé contrôlé.

Le salarié conteste son licenciement : selon lui, la manière dont les griefs ont été révélés est illicite. Débouté en appel, il se pourvoit en cassation.

Nécessité d’informer préalablement et expressément le salarié du recours au « client mystère »

Le dénouement de cette affaire était très attendu. Le recours au « client mystère » est de plus en plus fréquent pour contrôler les employés en contact avec la clientèle ; il avait déjà été au cœur de plusieurs débats prétoriens. Si jusqu’à présent, la Cour de cassation l’avait écarté, c’était en raison de l’absence d’information préalable du salarié (Cass., soc., 19 novembre 2014, n°13-18.749), celle-ci rejetant les contrôles réalisés à l’insu du salarié et autres moyens de surveillance dissimulés (Cass., soc., 18 mars 2008, n°06-45.093). Le salarié doit avoir été préalablement informé des dispositifs de contrôle et de surveillance dont il pourrait faire l’objet et l’information délivrée doit être expresse et dénuée de toute ambiguïté (Cass. soc., 10 novembre 2021, n°20-12.263).

C’était justement le cas dans notre espèce du 6 septembre 2023. Ce n’est donc pas le procédé du « client mystère » en tant que tel qui est condamné mais la manière dont il a été mis en œuvre.

Pour écarter les arguments du salarié et rejeter le pourvoi, la Cour de cassation a relevé que l’employeur versait aux débats une note d’information des salariés sur le dispositif du « client mystère », expliquant le fonctionnement et l’objectif du dispositif. Elle en déduit que le salarié a été, « conformément aux dispositions de l’article L. 1222-3 du Code du travail, expressément informé, préalablement à sa mise en œuvre, de cette méthode d’évaluation professionnelle mise en œuvre à son égard par l’employeur ». Ce dernier pouvait donc « en utiliser les résultats au soutien d’une procédure disciplinaire » (Cass. soc., 6 septembre 2023, n°22-13.783).

Dès lors que le salarié a été préalablement et expressément informé du recours au « client mystère », les résultats recueillis par ce dernier peuvent fonder une procédure disciplinaire.