IRP

Question pratique

Depuis la création du CSE par l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, il est prévu que dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 11 et 20 salariés, l’employeur n’invite les organisations syndicales à la négociation du protocole d’accord préélectoral (PAP) que si, dans les 30 jours suivant l’information des salariés de l’organisation des élections, au moins un salarié s’est porté candidat aux élections (C. trav., art. L. 2314-5).

La rédaction de l’article L. 2314-5 pouvait faire débat sur les conséquences à tirer sur une éventuelle poursuite du processus électoral :

  • faut-il considérer que le processus électoral s’arrête, de sorte que l’employeur n’a pas à organiser les élections ?
  • ou bien faut-il considérer qu’il n’a pas à négocier le PAP avec les organisations syndicales et qu’il fixe lui-même les modalités d’organisation des élections ?

Position initiale de l’administration

Les dispositions de l’article L. 2314-5 du Code du travail ont été adoptées dans le cadre de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 avec pour objectif d’éviter des démarches administratives inutiles pour les chefs d’entreprises de PME (entreprises de moins de 20 salariés).

Saisi de la constitutionnalité de cette nouvelle disposition, le Conseil constitutionnel a expressément déclaré l’article L. 2314-5 conforme sans apporter de réponse précise quant à l’attitude à adopter au regard de la question qui nous intéresse (Cons. Const., 21 mars 2018, n° 2018-761 DC).

En revanche, de son côté, l’administration a, à plusieurs reprises, clairement pris position sur le sujet. Dans son « questions-réponses » sur le CSE diffusé en avril 2018 (et mis à jour en janvier 2020), elle précise que, dans une telle hypothèse, le processus électoral s’achève et que les élections professionnelles n’ont pas à être organisées ; l’employeur devant ainsi établir à cette date un procès-verbal de carence (question n° 44).

Sur cette base, le Cerfa n° 15248*04 relatif au PV de carence des élections professionnelles (dont la vérification datait du 4 janvier 2022) prévoyait expressément que dans les entreprises de 11 à 20 salariés, en l’absence de candidature dans le délai de 30 jours à compter de l’information du personnel de l’organisation des élections par l’employeur, l’employeur était dispensé d’organiser des élections.

Forts de la ligne directrice de l’administration, les employeurs pouvaient légitimement considérer que les élections ne devaient pas être organisées.

Un revirement de l’administration ?

Toutefois, sans qu’aucune explication n’ait été donnée, une nouvelle version du Cerfa relatif au PV de carence (Cerfa n° 15248*05 vérifié le 8 août 2023) impose désormais, que dans une telle situation, il soit fait mention de la date à laquelle les 2 tours de scrutin ont été organisées ; ce qui suppose désormais que l’administration considère que les élections doivent être organisées.

Selon nos informations, les services du ministère confirment que leur volonté est désormais d’imposer la mise en place des élections même lorsqu’aucun salarié ne s’est porté candidat dans les 30 jours suivant l’information des salariés de l’organisation des élections.

Une modification du Q/R devrait rapidement confirmer cette nouvelle position administrative.

Conséquences pratiques

Au regard de cette évolution de la position de l’administration, créatrice d’une insécurité juridique mais également contraire à l’esprit du texte, les entreprises de 11 à 20 salariés devront :

  • si un salarié se porte candidat aux élections dans les 30 jours qui suivent l’information de l’organisation des élections, inviter les organisations syndicales compétentes à la négociation du PAP et ensuite mener les élections sur la base de ce PAP. Si un désaccord est constaté avec les organisations syndicales, l’employeur pourra déterminer unilatéralement les modalités d’élections en saisissant toutefois le Dreets afin que ce dernier fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, ainsi que la répartition du personnel et des sièges et entre les différents collèges électoraux. Si aucune organisation syndicale ne s’est présentée à la négociation du PAP, l’employeur déterminera unilatéralement les modalités d’élections ;
  • si aucun salarié ne se porte candidat aux élections dans les 30 jours, déterminer unilatéralement les modalités d’élections (sans inviter les organisations syndicales à la négociation d’un PAP) et mener celles-ci jusqu’à leur terme.

On peut regretter cette évolution :

  • sur le fond, les employeurs de TPE devront désormais organiser un processus électoral complet (deux tours de scrutin), pour rien. En effet, dès lors qu’aucun candidat ne s’est manifesté dans les 30 jours de l’annonce de l’organisation d’élections, il y a peu de chances qu’un candidat se manifeste par la suite … Ce revirement administratif ne fait donc peser, sur les chefs d’entreprise des TPE, que des contraintes matérielles inutiles.
  • sur la forme, procéder en catimini (en plein cœur de l’été), par le seul biais d’une modification d’un formulaire Cerfa, sans aucune explication ni communication n’est pas satisfaisant. Au surplus, depuis plusieurs années, le ministère du Travail s’emploie à favoriser l’accessibilité et la lisibilité du droit du travail pour tous, avec une certaine efficacité. Cette fois-ci, c’est raté !