Salaire

Réunie dans sa formation la plus solennelle pour évoquer, au cours d’une audience thématique consacrée à un élément de rémunération alors applicable aux agents de La Poste et dénommé “complément poste”, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est efforcée d’apporter une solution claire et efficiente aux questions posées par les différents pourvois, s’inscrivant dans un contentieux sériel particulièrement nourri.

On sait que depuis la réforme issue de la loi du 2 juillet 1990, La Poste emploie deux catégories de personnel : des fonctionnaires relevant du statut général de la fonction publique et des salariés de droit privé soumis au régime des conventions collectives.

Afin d’harmoniser le régime de rémunération de ces deux catégories de personnels, La Poste a, en avril 1993, regroupé les primes versées aux fonctionnaires au sein d’une indemnité unique dénommée “complément poste” et s’est engagée à faire converger le montant de cette indemnité de manière à ce que les agents d’un même niveau de fonctions, quel que soit leur statut, perçoivent un complément indemnitaire d’un montant équivalent, sauf à distinguer les intéressés selon leurs mérites individuels. Et par une décision du 4 mai 1995 (« codifiée » au sein de La Poste sous la référence RH 32), le président du conseil d’administration de La Poste a défini les règles d’évolution du « complément poste » en énonçant notamment qu’il « rétribue le niveau de fonction et tient compte de la maîtrise du poste ».

La chambre sociale s’est à plusieurs reprises prononcée sur l’interprétation qu’il convenait de donner de ce dispositif, en appliquant les règles propres au principe d’égalité de traitement, qui a toujours fondé les demandes des salariés.

Ainsi, avant de faire droit aux demandes, les juges du fond doivent constater que les fonctionnaires auxquels les agents de droit privé se comparent, occupent des fonctions identiques ou similaires aux leurs et au même niveau : Soc. 23 novembre 2016, n°15-23.865, Soc. 12 juillet 2017, n°16-13.901.

Pour écarter le constat d’une différence de traitement injustifiée, La Poste doit ensuite démontrer la plus grande maîtrise de son poste par le fonctionnaire, laquelle ne peut reposer sur sa seule ancienneté déjà prise en compte dans la rémunération de base (Soc. 9 décembre 2015, n°14-18.042, Bull n°249), mais peut reposer sur la plus grande diversité des postes occupés par le fonctionnaire, lui conférant par là-même une meilleure maîtrise de son poste (Soc. 9 décembre 2015, n°14-23.563).

Par les arrêts ici commentés, la chambre sociale confirme ces solutions en apportant une précision.

La Cour rappelle d’abord que la règle précitée issue de la “RH 32″ ne doit pas être lue comme signifiant que le “complément poste” ne rétribuerait que le niveau de fonction, ainsi que le soutenaient les salariés. Cet élément de rémunération rétribue au contraire un travail effectué à un certain niveau et selon une certaine maîtrise du poste.

Aussi, la chambre sociale approuve un arrêt de la cour d’appel de Toulouse qui avait rejeté la demande présentée par une salariée qui ne se comparait à aucun fonctionnaire exerçant au même niveau des fonctions identiques ou similaires aux siennes (Soc. 4 avril 2018, n°17-11.814, P+B+R+I). Elle approuve de la même manière les arrêts ayant rejeté les demandes des salariés qui se comparaient à un fonctionnaire qui exerçait comme eux des fonctions identiques ou similaires de facteur, mais qui, à la différence des salariés, avait occupé des fonctions qui par leur diversité et leur nature, lui conféraient une meilleure maîtrise de son poste (Soc. 4 avril 2018, n°17-11.680, P+B+R+I).

A l’inverse, la Haute juridiction censure les décisions qui avaient fait droit aux demandes sans égard pour les fonctions exercées respectivement par le salarié et le fonctionnaire de comparaison, ces décisions faisant une application erronée du principe d’égalité de traitement. A titre d’exemple, on relèvera que, selon les classifications d’emplois applicables au sein de La Poste, le personnel d’accueil et les chauffeurs poids-lourds exercent au même niveau “I – 3″ (cf sur ce point l’avis conforme de madame l’avocate générale).

Cette série de pourvois a également conduit la Cour de cassation à préciser que c’est à celui qui invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement de démontrer qu’il se trouve dans une situation identique ou similaire à celui auquel il se compare (Soc. 4 avril 2018, n°16-27.703, P+B+R+I). Il appartenait au cas particulier à chaque salarié de démontrer qu’il exerçait des fonctions identiques ou similaires à celles du fonctionnaire auquel il se comparait.

En l’occurrence, conformément à la thèse qu’ils soutenaient, selon laquelle le “complément poste” n’aurait rétribué que le niveau, indépendamment des fonctions exercées, les salariés s’étaient refusés à préciser les fonctions exercées aussi bien par eux-mêmes que par le fonctionnaire auquel ils se comparaient. Ils ne démontraient donc pas se trouver dans une situation identique ou similaire à celle du collègue dont ils demandaient à percevoir un “complément poste” de même montant. C’est pourquoi, prenant en compte ces éléments de fait constants, la Cour de cassation a estimé qu’elle pouvait, en statuant sans renvoi, mettre fin elle-même à ces litiges.

Source : note explicative de la Cour de cassation