IRP

Qu’elles soient ou non représentatives, les organisations syndicales peuvent exercer toute action judiciaire dans « l’intérêt collectif de la profession » (C. trav. art. L. 2132-3).

Les juges retiennent une conception extrêmement large de la notion d’intérêt collectif de la profession, admettant aisément la recevabilité de l’action syndicale.

Dès lors qu’ un syndicat peut se prévaloir d’un préjudice porté – directement ou indirectement – à l’intérêt collectif de la profession, deux voies lui sont offertes pour agir :

  • se joindre à l’action d’un salarié devant le conseil de prud’hommes par le biais d’une intervention volontaire ;
  • ou préférer agir, seule, devant le tribunal judiciaire.

Dans cette seconde hypothèse, il n’est pas rare que le syndicat sollicite, en plus de dommages et intérêts à son profit, la régularisation de la situation individuelle des salariés concernés par les effets de son action (paiement de rappels de prime, régularisation de droits à congés, …).

Pendant une période, la Cour de cassation semblait admettre la recevabilité de ce type de demandes, à la condition que le syndicat ne revendique pas le paiement de « sommes déterminées à des personnes nommément désignées » (Cass. soc., 22 févr. 2006, n°04-14.771 ; Cass. soc., 3 mai 2007, n°05-12.340 : Cass. soc., 12 févr. 2013, n°11-27.689).

Un resserrement jurisprudentiel récent

La Cour de cassation a récemment amorcé un mouvement de recul illustré par deux décisions :

  • Dans un arrêt en date du 30 mars 2022, la Cour de cassation a considéré qu’un syndicat était en mesure de faire constater une irrégularité commise par l’employeur dans le paiement des cotisations de retraite complémentaire ; mais qu’il ne pouvait pas prétendre à la régularisation de la situation des salariés concernés (Cass. soc., 30 mars 2022, n°20-15.022).
  • Dans un arrêt en date du 6 juillet 2022, la Cour de cassation a admis qu’un syndicat puisse agir en vue de contraindre un employeur à mettre fin à un dispositif irrégulier, sans pour autant pouvoir solliciter que les salariés concernés soient rétablis dans leurs droits (Cass. soc., 6 juill. 2022, n°21-15.189).

Depuis, plusieurs juridictions du fond se sont inscrites dans cette tendance jurisprudentielle :

  • Cour d’appel de Paris : irrecevabilité du syndicat sollicitant de l’employeur qu’il régularise la situation de salariés dont la prime de 13ème mois était incomplète (CA Paris, pôle 6, ch. 2, 6 oct. 2022, n°21/18035) ou encore de celui qui formulait des rappels de salaire au bénéfice de salariés (CA Paris, pôle 6, ch. 2, 3 nov. 2022, n°21/00897).
  • Cour d’appel d’Aixen-Provence : irrecevabilité de la demande du syndicat tendant à obtenir le paiement rétroactif d’une indemnité journalière pour les salariés ayant été placés en télétravail pendant la crise sanitaire (CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 28 mars 2023, n°22/13487).

Ce « resserrement » de la portée de l’action exercée par un syndicat dans l’intérêt collectif de la profession vient d’ailleurs d’être confirmé par la Cour de cassation. En effet, la chambre sociale vient de refuser le renvoi d’une QPC devant le Conseil constitutionnel ; cette QPC interpelait la constitutionnalité de l’interprétation qu’a faite la Cour de cet article dans son arrêt du 6 juillet 2022 (Cass. soc., 20 avril 2023, n°23-40.003).

Les contours de l’action dans l’intérêt collectif de la profession paraissent désormais plus clairs ; l’action dans l’intérêt collectif de la profession devant permettre exclusivement au syndicat qui l’intente :

  • de solliciter des dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi du fait de l’atteinte porté à l’intérêt collectif ;
  • de demander le respect d’une règle de droit pour l’avenir.

« il incombe aux intéressés d’intenter personnellement une action devant le conseil de prud’hommes afin de faire valoir leurs droits »

En revanche, dès lors que sont en cause des droits exclusivement attachés à la personne du salarié (régularisation de droits individuels, notamment), il incombe aux intéressés d’intenter personnellement une action devant le conseil de prud’hommes afin de faire valoir leurs droits.