Participation des salariés

En présence d’un litige initié en matière de participation, trois délais de prescription sont susceptibles d’être invoqués :

  • la prescription de 2 ans pour toute action portant sur l’exécution du contrat de travail (article L. 14711, alinéa 1, du Code du travail) ;
  • la prescription de 3 ans pour l’action en paiement ou en répétition du salaire (article L. 32451 du Code du travail) ;
  • et le délai de prescription de droit commun de 5 ans, prévu par l’article 2224 du Code civil.

Jusqu’à présent, il pouvait être considéré que le délai de prescription en action en paiement de la participation était celui de droit commun, soit 5 ans à compter du jour où celui qui exerce l’action a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l’exercer.

Dans un arrêt du 7 avril 2016, la Cour d’appel de Paris avait notamment indiqué, pour écarter les délais de prescription plus courts du Code du travail (CA Paris, n° 15/03431) :

« Dès lors que la créance de participation ne résulte pas de l’exécution du contrat de travail mais est inhérente à la mise en œuvre d’un système obligatoire légal qui a pour objet de garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l’entreprise, elle est soumise à la prescription quinquennale fixée par l’article 2224 du Code civil et non à la prescription biennale de l’article L. 1471-1 du Code du travail ».

L’application à l’action en paiement de la participation du délai de prescription de droit commun de 5 ans avait ainsi été retenue par plusieurs autres cours d’appel (CA, Metz, 25 mars 2015, n° 13/01887 ; CA Rouen, 22 mars 2018, n° 16/02798). Cependant, dans l’affaire ici en cause, la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a fait une analyse différente et privilégié une application du délai de prescription triennal applicable à l’action en paiement du salaire à une action en paiement de la participation (CA Saint-Denis de la Réunion, 15 juin 2021, n° 20/02068).

La décision de la Cour de cassation : application de la prescription biennale

Dans cette même affaire, la Cour de cassation avait déjà tranché que l’action en paiement de la participation n’était pas soumise au délai de 3 ans propre à l’action en paiement des salaires (Cass. soc., 23 mars 2022, n° 21-22.455 – QPC – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel).

Par suite, dans la continuité de ses dernières décisions en matière de prescription applicable aux demandes de rappel de salaire notamment fondées sur :

  • une atteinte au principe d’égalité de traitement ;
  • l’invalidité d’une convention de forfait ;
  • une requalification du contrat de travail à temps partiel en temps plein ;
  • ou bien encore l’utilisation des droits affectés sur un CET (Cass. soc., 9 juin 2022, n° 20-16.992 ; Cass. soc., 23 juin 2021, n° 18-24.810 ; Cass. soc., 30 juin 2021, n° 20-12.960 ; n° 18-23.932 ; n° 19-10.161 ; n° 19-14.543),

la Cour de cassation a censuré l’arrêt de la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, rappelant que la durée de prescription devait être déterminée par la nature de la créance invoquée et considérant que « la demande en paiement d’une somme au titre de la participation aux résultats de l’entreprise, laquelle n’a pas une nature salariale, relève de l’exécution du contrat de travail » (Cass. soc., 13 avril 2023, n° 21-22.455).

Ainsi, à l’inverse tant de la position de la Cour d’appel réunionnaise que de celle de la Cour d’appel de Paris précitée, la Cour de cassation a retenu l’application du délai de prescription applicable aux actions portant sur l’exécution du contrat de travail, à savoir  2 ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Question en suspens et illustration 

La question de la détermination du point de départ de la prescription demeure encore incertaine. Quel est en effet le jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action en paiement de la participation ? S’agit-il du jour de la clôture ou consolidation des comptes ? Ou encore du jour de la présentation au CSE du rapport sur la réserve spéciale de participation (comportant notamment les éléments servant de base au calcul du montant de la réserve spéciale de participation des salariés pour l’exercice écoulé et devant être présenté dans les 6 mois qui suivent la clôture de chaque exercice) ?

Si ce dernier délai, plus favorable aux salariés, devait être retenu, alors, dans l’hypothèse d’une présentation au CSE du rapport sur la réserve spéciale de participation le 2 juin 2022, le salarié aurait jusqu’au 2 juin 2024 pour agir en paiement de la participation.

La Haute assemblée a en effet eu l’occasion de préciser que le jour pendant lequel se produit un événement d’où court un délai de prescription ne compte pas dans ce délai (Cass. soc., 13 avril 2023, n° 21-14.479, FS-B).