A quoi servent les critères d’ordre de licenciement ?
Le licenciement pour motif économique est « non inhérent à la personne du salarié ». Cela signifie concrètement que ce n’est pas automatiquement le salarié affecté au poste dont la suppression est envisagée qui sera, au final, licencié pour motif économique. Les critères d’ordre de licenciement permettent lors d’une procédure de licenciement collectif pour motif économique, de désigner au sein d’une même catégorie professionnelle le ou les salariés qui seront effectivement licenciés.
Si les critères d’ordre de licenciement sont fixés par voie conventionnelle, notamment dans un accord majoritaire portant sur le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, l’employeur doit s’y conformer (C. trav., art. L. 1233-5 et art. L. 1233-24-2).
En revanche, en l’absence de convention ou d’accord collectif applicable, il appartient à l’employeur de définir les critères retenus pour fixer l’ordre de licenciement en prenant en compte l’ensemble des critères légaux.
Quels sont les critères d’ordre de licenciement ?
Les critères légaux sont (C. trav., art. L. 1233-5) :
- Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;
- L’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ;
- La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;
- Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.
Sous réserve de prendre en compte l’ensemble des critères d’ordre de licenciement définis par la loi, l’employeur est libre de privilégier certains critères, qu’il peut pondérer sur la base d’éléments objectifs et pertinents, en fonction de l’importance qu’il souhaite leur attribuer.
Cette liberté est cependant soumise au contrôle du juge. Pour l’appréciation du critère des qualités professionnelles, le juge contrôlera ainsi que la décision de l’employeur ne procède ni d’une erreur manifeste ni d’un détournement de pouvoir.
La Cour de cassation a récemment rappelé ces principes dans un arrêt du 18 janvier 2023 (Cass. soc., 18 janv. 2023, n° 21-19.675), dans lequel l’employeur, en l’absence de convention ou d’accord collectif, avait fait application des critères légaux.
Dans cet arrêt, une salariée, secrétaire-comptable, conteste la mesure de licenciement économique notifiée à son encontre. Elle remet notamment en cause la mise en œuvre du critère des qualités professionnelles, apprécié uniquement en fonction des diplômes détenus.
En réponse, l’employeur, une entreprise agricole, considère que le niveau d’étude est parfaitement pertinent pour apprécier le critère des qualités professionnelles, d’autant plus qu’en l’espèce la salariée retenue en application de ces critères était titulaire d’une licence de langue espagnole et qu’il y avait un intérêt à conserver une linguiste espagnole dans l’entreprise.
Le critère des qualités professionnelles peut-il être apprécié uniquement au regard des diplômes détenus ?
La Cour de cassation répond par la négative, considérant que le niveau de diplôme ne permet pas de déterminer objectivement lequel des salariés est le plus apte à occuper le poste restant.
Les juges estiment par ailleurs que le motif invoqué par l’employeur selon lequel il avait intérêt à conserver une linguiste espagnole dans un établissement agricole n’était pas pertinent. Sans même s’intéresser à l’importance des effectifs hispanophones au sein de l’entreprise, cette position peut a priori sembler contestable et déconnectée des contraintes réelles de ce type d’entreprise. On peut néanmoins relever que l’usage de l’espagnol ne constituait pas un critère inhérent au poste de travail, dès lors qu’une salariée hispanophone et une salariée non-hispanophone étaient incluses dans la même catégorie professionnelle. La prise en compte de cette compétence pour déterminer la salariée finalement visée par les critères d’ordre de licenciement pouvait en conséquence apparaitre comme subjective et non pertinente.
Ainsi, la Cour confirme que les diplômes détenus par les salariés ne peuvent pas, à eux seuls, refléter le critère des qualités professionnelles des salariés. La liberté laissée à l’employeur dans la détermination des critères d’ordre de licenciement est donc toute relative et la prudence reste de rigueur.