Contrat de travail

La liberté fondamentale du droit d’agir en justice a ses limites. La multiplication des menaces de poursuite par le salarié peut en être une, dans certaines conditions.

Rappelons que le droit, si ce n’est la liberté, d’agir en justice est une liberté fondamentale.

Un salarié est donc libre de déposer une plainte pénale contre son employeur ou de témoigner en justice en sa défaveur. Le licenciement prononcé en réaction encourt la nullité.

Cependant, comme toute liberté fondamentale, le droit d’agir en justice trouve sa limite lorsque le salarié en abuse. C’est ce que permet de rappeler et d’illustrer l’arrêt de la Cour de cassation du 7 décembre 2022 (Cass. soc., 7 décembre 2022, n°21-19.280).

Comme toute liberté fondamentale, le droit d’agir en justice trouve sa limite lorsque le salarié en abuse.

Les faits

Un salarié a été licencié pour faute grave, notamment pour avoir tenté d’intimider un supérieur en le menaçant d’un dépôt de plainte au commissariat de police s’il persistait dans sa volonté de le recevoir en entretien disciplinaire. Deux ans auparavant, il avait déjà usé de cette menace à l’égard de son supérieur, sans la mettre à exécution.

Le salarié a ensuite demandé la nullité de son licenciement au motif que celui-ci serait intervenu en raison d’une action en justice susceptible d’être introduite à l’encontre de son employeur.

Il a toutefois été débouté de sa demande, les juges du fond ayant retenu que l’expression par le salarié de son souhait de déposer plainte contre son employeur ne résulte pas d’une authentique volonté d’agir en justice mais illustre une logique d’intimidation de son interlocuteur, dans un contexte global de menaces à l’endroit de ses collègues et supérieurs. Les juges ont estimé que le salarié avait fait preuve de mauvaise foi et d’un abus dans l’exercice de son droit d’agir en justice.

La décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation valide la décision des juges du fond en retenant l’abus du droit d’agir en justice. S’appuyant sur le pouvoir souverain d’appréciation des faits des juges du fond, elle relève que le salarié avait, à plusieurs reprises, menacé de déposer plainte contre son supérieur au commissariat de police.

Remarque 

Les faits de l’espèce ont été déterminants pour aboutir à cette solution.

Ainsi, la multiplication des faits a permis d’admettre, en l’espèce, que la menace de déposer plainte constituait « une nouvelle illustration, dans un contexte global de menaces à l’endroit de ses collègues et supérieurs, de la logique d’intimidation dont le salarié avait déjà fait preuve par le passé ». Ces menaces répétitives ont pu être considérées comme abusives.

La prudence demeure : il ne faut considérer systématiquement comme fautive l’évocation par un salarié de son droit d’agir en justice pour obtenir gain de cause, sauf mauvaise foi caractérisée et/ou abus conduisant à l’absence d’atteinte à la liberté fondamentale du salarié.

Cette exception devrait rester rare en pratique.