Contentieux

Communiqué de la Cour de cassation

L’employeur qui utilise illégalement une substance toxique porte atteinte à la dignité des salariés qui y ont été exposés. Ces employés pourront obtenir une indemnisation distincte de celle qui répare leur préjudice d’anxiété.

Les faits

Depuis le 1er janvier 1997, l’utilisation de l’amiante est interdite en France, sauf dĂ©rogation exceptionnelle et temporaire.

Des salariés ont travaillé sur le site d’une entreprise de l’industrie chimique qui bénéficiait d’une dérogation l’autorisant à poursuivre l’utilisation de l’amiante jusqu’au 31 décembre 2001.

Néanmoins, entre 2002 et 2005, cette entreprise a continué à utiliser de l’amiante en toute illégalité.

Les procĂ©dures

Les salariés ont saisi la justice pour demander réparation à leur employeur de l’utilisation de l’amiante, invoquant :

  • un prĂ©judice d’anxiĂ©tĂ© rĂ©sultant de leur exposition Ă  celle-ci  ;
  • un prĂ©judice causĂ© par le manquement de l’employeur Ă  son obligation de loyautĂ© dans l’exĂ©cution du contrat de travail, dès lors qu’il a poursuivi la durĂ©e de leur exposition au-delĂ  de la durĂ©e lĂ©galement autorisĂ©e.

La cour d’appel a jugé la demande en réparation du préjudice d’anxiété prescrite et l’a donc déclarée irrecevable.

Elle a condamné l’employeur à verser à ses salariés des dommages intérêts pour avoir manqué à son obligation de loyauté, l’amiante ayant continué d’être utilisée sur le site de 2002 à 2005, en toute illégalité et sans que les employés n’en aient été informés.

La question posĂ©e Ă  la Cour de cassation

Lorsqu’une substance toxique a Ă©tĂ© utilisĂ©e illĂ©galement par un employeur, les salariĂ©s qui y ont Ă©tĂ© exposĂ©s peuvent-ils obtenir une indemnisation distincte de celle qui rĂ©pare leur prĂ©judice d’anxiĂ©tĂ© ? 

La dĂ©cision de la Cour de cassation

Approuvant la dĂ©cision de la cour d’appel, la Cour de cassation admet que le salariĂ© dont le droit Ă  rĂ©paration au titre du prĂ©judice d’anxiĂ©tĂ© est Ă©teint peut nĂ©anmoins obtenir des dommages et intĂ©rĂŞts au titre d’une atteinte Ă  sa dignitĂ© lorsque que son employeur a eu recours illĂ©galement Ă  l’amiante.  

Il doit donc ĂŞtre distinguĂ© deux types de prĂ©judices, chacun correspondant Ă  un manquement diffĂ©rent de l’employeur :

  • lorsque l’employeur a manquĂ© Ă  son obligation de sĂ©curitĂ© en utilisant une substance toxique autorisĂ©e sans mettre en Ĺ“uvre les mesures de prĂ©vention des risques professionnels adĂ©quates, ses salariĂ©s peuvent rĂ©clamer l’indemnisation d’un prĂ©judice d’anxiĂ©tĂ© ;
  • lorsque l’employeur recourt illĂ©galement Ă  une substance toxique prohibĂ©e, commettant ainsi une infraction pĂ©nale, son exĂ©cution dĂ©loyale du contrat de travail porte atteinte Ă  la dignitĂ© du salariĂ©, lequel peut alors rĂ©clamer la rĂ©paration d’un prĂ©judice moral, indĂ©pendamment du prĂ©judice d’anxiĂ©tĂ©.  

Cass. soc., 8 février 2023, n°22-14.551 (à télécharger ci-dessous)

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